vendredi 23 août 2019

Lettre ouverte au Palais Royal marocain N°1 par Saïd LEMLIH


Aucune description de photo disponible.Notre Roi a parlé, dans son discours du 20 août 2019, de la formation professionnelle et de l'artisanat. Certains pseudo intello ont vu dans cela une atteinte au monde universitaire, une sorte de sa dévalorisation. Considérant notre Palais Royal comme la plus sérieuse de nos institutions, et peut-être la seule, je lui adresse les lignes suivantes:

Lorsque le gouvernement de Benkirane a été nommé en 2012, je me suis empressé de féliciter Amine Sbihi qui a été nommé ministre de la culture. J'espérais que ce riche slaoui militant progressiste de très longue date allait faire quelque chose puisque la culture est au carrefour de nos problèmes. Je lui ai suggéré une vigoureuse campagne pour revaloriser le travail manuel. Il faut montrer au peuple que, par exemple, un médecin, un ingénieur, un avocat, un fonctionnaire, n'est pas supérieur à un artisan ni à un chauffeur ou à un petit commerçant. La seule hiérarchie juste est entre les médecins, ensuite entre les ingénieurs, ensuite entre les avocats, et entre les fonctionnaires et entre les artisans et entre les chauffeurs... C'est-à-dire entre ces ensembles. Mais tout ce que Si Sbihi a fait c'est de danser sur la place Djemaa El Fna.

Quant aux formations aux métiers de l'artisanat, elles sont victimes d'une lourde bureaucratie qui tente tout juste de prouver qu'elle sert à quelque chose. Le fleuron de ces formations est l'Académie Mohamed 6 pour les artisanats sise à la mosquée Hassan II de Casablanca. Lorsque je l'ai visitée, j'ai trouvé que la Ministre déléguée assistait souvent aux cours (onze fois l'an). Elle répétait aux étudiants:" Vous n'étudiez pas pour être des artisans, mais pour diriger les artisans ". Une belle et caricaturale séparation entre théorie et pratique dans un domaine où elles doivent être intimement liées. Deux stagiaires de cette Académie ont pu faire un "S" en fer rond au bout d'un mois. Etant fils d'importants fonctionnaires, ils ont quand même obtenu leur diplôme équivalent à celui d'ingénieur !!!  Ces jeunes ont besoin de soins psy...

Quant aux CQP, les plus nombreux dans le royaume, ils se sont maquillés. Ils changent de nom pour la troisième fois. Ils finissent par s'appeler "Instituts". Aussi ridicule que pompeux. Seule une minorité des inscrits finissent les diverses formations. Les examens sont de pures formalités puisque tous les présents réussissent.

En outre, je pense que les chambres d'artisanat font double emploi avec les délégations. Ces entités élues sont aux abois pour justifier leur raison d'être. Elles ont généralement dilapidé, par exemple, les fonds de la FPA (Formation Par Apprentissage ou attadarouge al mihani) puisque les maîtres artisans n'ont toujours pas reçu leurs indemnités de 2016, 2017, 2018 et 2019 ! Ces indemnités sont de 250 Dh par stagiaire et par mois ! La Maison de l'Artisan ? Plus elle grandit, plus elle s'enfonce dans le népotisme, le clientélisme et la pénurie d'initiatives. Ces trois groupes, les chambres, les délégations et la Maison, s'occupent de décorer, de meubler et de parfumer leurs bureaux où les artisans pieds nus n'osent pas mettre le nez. Les nouveaux fonctionnaires (souvent pistonnés par un parti) ressemblent à des parachutistes largués sur un champ de bataille mais qui atterrissent au milieu de filles cueillant des fraises en Andalousie. 

Quant aux centres OFPPT, ils ont un urgent besoin d'un ménage salutaire car la malhonnêteté y est comme l'air qu'on respire: Ex: Les stagiaires logés et nourris dans les internats volent jusqu'aux lampes, les formateurs reçoivent des cigarettes de leurs étudiants pour une raison ou pour une autre, les administrations s'occupent de "dépenser" les budgets. Ces centres sont de véritables nids de coco où seuls ceux qui savent faire de l'argent sont bien. Tout le monde sait que l'ancien DG de cet office s'est TROP enrichi. On l'a laissé partir avec son butin !

Bref la formation professionnelle et l'artisanat sont dans de bien mauvais draps ! Le cinéma de 2M sur notre artisanat est aussi débile que trompeur. J'ai constaté que beaucoup de ces jeunes ont un urgent besoin de soins psychiatriques avant ou parallèlement à leur formation professionnelle...

Cependant, le plus gros problème actuel en face du travail manuel est le mépris et la dévalorisation dont il souffre. Et c'est le fait de tout notre peuple ! Etre artisan est devenu synonyme de misérable ou de mendiant; encore que le revenu moyen d'un ou d'une mendiant(e) est supérieur à celui d'un honnête travailleur artisanal.  Pour conclure je dirai qu'une dynamique action culturelle doit accompagner tout effort pour les artisans et autres travailleurs manuels...

Dans mon roman ci-dessous, la perte des Juifs marocains, de très bons artisans, a porté un grand coup au Maroc...





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