La Mission laïque française priée de quitter le Qatar
Mots clés : Mission Laïque Française, Éducation, Qatar
Par Caroline BeyerMis à jour | publié Réactions (127)
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Sur fond de tensions et d'interventionnisme de l'émirat dans les programmes, l'association qui gère le lycée franco-qatarien de Doha devra plier bagages en décembre. Le proviseur s'apprête à quitter le territoire.
Depuis 1956 et le canal de Suez, la Mission laïque française (MLF) n'avait pas connu d'expulsion.
Mais fin décembre, l'association devra quitter le Qatar, où elle gère, depuis 2007, le lycée Voltaire de Doha. Un lycée franco-qatarien, ouvert à la demande de l'émirat, et qui accueille à ce jour 700 élèves -dont 40 % de Qatariens, les autres étant essentiellement des Libanais, Égyptiens, Marocains, Algériens et Tunisiens. Son proviseur, Franck Choinard, détaché de l'Éducation nationale française, au même titre qu'une dizaine de professeurs sur place, vient d'être évincé. Il devrait rejoindre la France ce week-end.
Que s'est-il passé? Visiblement, l'interventionnisme régulier de l'émirat dans les programmes a été un sujet de friction entre les deux parties, comme le rapporte un article du Nouvel Observateur . Il y a un an et demi, l'émirat wahhabite avait interdit un ouvrage d'histoire-géographie de classe de 5e, traitant, entre autres, de la chrétienté au Moyen Âge. Celui-ci a finalement été réintroduit. En revanche, un manuel d'enseignement de la langue arabe a bel et bien été remplacé par un autre, mêlant apprentissage de la langue et de la religion. Il s'ouvre, d'ailleurs, sur un verset du Coran.
À ceci, s'est ajouté un litige financier, portant sur de petites sommes, qui a amené l'émirat à mettre fin en juin au mandat de gestion administratif et financier de la Mission. En revanche, celle-ci avait conservé, jusqu'alors, son mandat pédagogique. Logique puisque la Mission laïque française est un interlocuteur incontournable de l'accord scellé entre les deux pays.
Le 15 janvier 2008, Nicolas Sarkozy, alors président, accompagné par son ministre de l'Éducation Xavier Darcos, inaugurait le lycée Voltaire de Doha. Crédits photo : ERIC FEFERBERG/AFP
Pour l'émirat, elle est en effet la caution française de ce lycée «né de la volonté de Son Altesse l'Émir d'ouvrir le Qatar à la richesse de toutes les civilisations et de toutes les cultures», peut-on lire sur le site Internet du lycée, où l'on peut découvrir des photos de Nicolas Sarkozy lors de l'inauguration en 2008.
Les programmes de ces établissements sont homologués par le ministère de l'Éducation nationale. Mais dans le cas de l'établissement de Doha, qui compte 700 élèves de la maternelle à la classe de 4e, les programmes de 6e, 5e et 4e n'ont pas encore été homologués. Et ce, en raison de l'interventionnisme de l'État, mais aussi de la gouvernance.
Le conseil d'administration du lycée Voltaire (composé de 6 à 8 personnes maximum réparties à parité en membres français et qatariens) est en effet présidé par le docteur Ali bin Fetais al-Marri, par ailleurs procureur général de l'État du Qatar, équivalent de notre garde des Sceaux. On imagine sans difficulté le mélange des genres.
Que va-t-il advenir de ce lycée? Dimanche 4 novembre, les élèves reprendront le chemin de l'école, après une semaine de vacances. Ils découvriront, avec leurs parents, que le proviseur n'est plus en fonction. Par qui sera-t-il remplacé? Que va-t-il se passer pour la dizaine de professeurs détachés de l'Éducation nationale française sur place et rémunérés par l'établissement (*)?
Le Quai d'Orsay et le ministère de Vincent Peillon cherchent une solution.
De son côté, l'émirat a annoncé son intention de créer dans le Golfe et en Afrique d'autres établissements sur le modèle du lycée Voltaire de Doha. Le philosophe des Lumières donnera-t-il son nom à ces autres lycées? Seront-ils homologués par la France?
* Le budget est basé sur les frais de scolarité puisque l'établissement n'est subventionné ni par la France, ni par le Qatar.
Mais fin décembre, l'association devra quitter le Qatar, où elle gère, depuis 2007, le lycée Voltaire de Doha. Un lycée franco-qatarien, ouvert à la demande de l'émirat, et qui accueille à ce jour 700 élèves -dont 40 % de Qatariens, les autres étant essentiellement des Libanais, Égyptiens, Marocains, Algériens et Tunisiens. Son proviseur, Franck Choinard, détaché de l'Éducation nationale française, au même titre qu'une dizaine de professeurs sur place, vient d'être évincé. Il devrait rejoindre la France ce week-end.
Que s'est-il passé? Visiblement, l'interventionnisme régulier de l'émirat dans les programmes a été un sujet de friction entre les deux parties, comme le rapporte un article du Nouvel Observateur . Il y a un an et demi, l'émirat wahhabite avait interdit un ouvrage d'histoire-géographie de classe de 5e, traitant, entre autres, de la chrétienté au Moyen Âge. Celui-ci a finalement été réintroduit. En revanche, un manuel d'enseignement de la langue arabe a bel et bien été remplacé par un autre, mêlant apprentissage de la langue et de la religion. Il s'ouvre, d'ailleurs, sur un verset du Coran.
À ceci, s'est ajouté un litige financier, portant sur de petites sommes, qui a amené l'émirat à mettre fin en juin au mandat de gestion administratif et financier de la Mission. En revanche, celle-ci avait conservé, jusqu'alors, son mandat pédagogique. Logique puisque la Mission laïque française est un interlocuteur incontournable de l'accord scellé entre les deux pays.
Le 15 janvier 2008, Nicolas Sarkozy, alors président, accompagné par son ministre de l'Éducation Xavier Darcos, inaugurait le lycée Voltaire de Doha. Crédits photo : ERIC FEFERBERG/AFP
Pour l'émirat, elle est en effet la caution française de ce lycée «né de la volonté de Son Altesse l'Émir d'ouvrir le Qatar à la richesse de toutes les civilisations et de toutes les cultures», peut-on lire sur le site Internet du lycée, où l'on peut découvrir des photos de Nicolas Sarkozy lors de l'inauguration en 2008.
Le Quai d'Orsay et l'Éducation nationale cherchent une solution
Créée en 1902, la Mission laïque française a pour ambition de diffuser à travers le monde la langue et la culture françaises, en particulier par un enseignement à caractère laïque et interculturel. Elle gère, à ce titre, 125 établissements scolaires (47.000 élèves) dans une trentaine de pays, dans le monde méditerranéen (70 % des effectifs), aux États-Unis et dans le Golfe.Les programmes de ces établissements sont homologués par le ministère de l'Éducation nationale. Mais dans le cas de l'établissement de Doha, qui compte 700 élèves de la maternelle à la classe de 4e, les programmes de 6e, 5e et 4e n'ont pas encore été homologués. Et ce, en raison de l'interventionnisme de l'État, mais aussi de la gouvernance.
Le conseil d'administration du lycée Voltaire (composé de 6 à 8 personnes maximum réparties à parité en membres français et qatariens) est en effet présidé par le docteur Ali bin Fetais al-Marri, par ailleurs procureur général de l'État du Qatar, équivalent de notre garde des Sceaux. On imagine sans difficulté le mélange des genres.
Que va-t-il advenir de ce lycée? Dimanche 4 novembre, les élèves reprendront le chemin de l'école, après une semaine de vacances. Ils découvriront, avec leurs parents, que le proviseur n'est plus en fonction. Par qui sera-t-il remplacé? Que va-t-il se passer pour la dizaine de professeurs détachés de l'Éducation nationale française sur place et rémunérés par l'établissement (*)?
Le Quai d'Orsay et le ministère de Vincent Peillon cherchent une solution.
De son côté, l'émirat a annoncé son intention de créer dans le Golfe et en Afrique d'autres établissements sur le modèle du lycée Voltaire de Doha. Le philosophe des Lumières donnera-t-il son nom à ces autres lycées? Seront-ils homologués par la France?
* Le budget est basé sur les frais de scolarité puisque l'établissement n'est subventionné ni par la France, ni par le Qatar.
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