mercredi 1 mai 2019

Les alcools dans Adema, la belle juive de Demnate



Plusieurs passages traitent des alcools dans ce roman réaliste de Said LEMLIH. Par exemple celui-ci: Constatant le pourrissement de son bled, il compare ces asticots sortant du garage du père d'Adema, aux Juifs quittant leur pays natal...

Le jeune maître vit que sous le portail du garage voisin de son studio, des milliers de vers blancs, crème, couleur de pus et grisâtres continuaient de sortir. Ils étaient, en effet, attirés par la chaleur du soleil matinal. Ils couraient vers le goudron chaud tout proche pour y prendre un bain de soleil juste avant de se faire écraser par les véhicules ou de fondre dans l’ivresse de la douce chaleur matinale. Aucun d’entre eux ne parvenait à revenir au dépôt des fruits pourris où il était né. Entre l’entrée du dépôt et le goudron, il y avait de la glaise sèche. Les petites créatures se tordaient dessus tels des baigneurs sans serviettes sur une plage de sable doré. Ensuite, elles parvenaient sur le goudron où certaines étaient freinées par de petites mottes de terre sèche.  Pour ces vers, la brève existence se réduisait en une fuite en avant vers la lumière éphémère. Ils abandonnaient le fruit-mère voué lui-même à devenir, grâce à la chaleur, des vapeurs qui allaient se condenser dans l’alambic froid, pour donner une sorte d’alcool appelée mahia ou eau de vie.

Ainsi, avant de redevenir rapidement minérale, la matière des fruits pourris semblait fuir dans la vapeur. Une autre fuite ! Autres larmes résultant de la douleur de changer d’état ! Changer d’Etat ! Mourir pour renaître ! Une résurrection avec perte de mémoire à la clé ! Les bataillons des minuscules êtres entourés de leur graisse ou de leurs effets personnels, continuaient de sortir du garage. Ils fuyaient l’espace des ténèbres pour celui de la lumière. Ce fut une lumière-piège, trop éphémère pour être vraie.  

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