jeudi 14 juin 2018

Il y a 61 ans l'imam de Tamazight attaquait et détruisit la Russie


 souvenirs...  souvenirs...  à  90 %  vrais. Je les partage car le bonheur est dans le partage !
Au-dessus, c'est moi même entre 7 et 8 ans, à l'époque où, descendu du bled natal
(Tamazighte) , je regardais assis et malgré moi, le défilé des culottes des Françaises. Ce fut le regard qui allait changer radicalement ma vie. Il fit de moi enseignant au lieu de commerçant...

Ci-dessous le chapitre 19 du roman ci-dessus. Je vous l'offre pour l'Aid. La suite sera le rêve d'une bataille avec l'imam de Tagadirt comme général-chef d'état major inter armes. Il va attaquer l'URSS... Et à la place des kofars (mécréants) qui ont osé envoyer une chienne dans le ciel d'Allah, naîtra une terrible espèce de cafards carnivores qui vont manger les Musulmans victorieux sur les kofars... Tout ce roman autobiographique se passe en une année.

              19

Papa et moi allions profiter de mes premières vacances scolaires de fin d’année pour aller monter au bled. Nous allions y passer quelques jours et ramener, à Marrakech, ma mère avec son bébé qui venait de naître. Contre un plein d’essence, un automobiliste accepta de nous prendre avec lui.

Le voyage se passa de nuit. Nous quittâmes Marrakech au coucher du soleil. Je ne voyais plus que les poteaux de signalisation kilométriques. Je les comptais jusqu’à ce que je m’endormisse. Le rêve d’être devenu un oiseau meubla ma tête. Je m’amusais à voler au-dessus des belles montagnes et à regarder le monde d’en haut d’un œil amusé.

Pour parcourir un peu plus de  cent cinquante kilomètres et arriver à Mogador, nous mîmes près de trois heures et demie. Sans perdre de temps, nous prîmes le chemin d’Agadir, ensuite celui de Tamazight, dans les montagnes de l’Anti Atlas. Je ne me fus réellement réveillé que le matin de très bonne heure.

La voiture était arrivée devant une pente raide au début de la chaîne montagneuse. Celle-là était appelée par les usagers « Le Malin-Est-Monté » (Ighli Wach). Nous descendîmes tous pour alléger le véhicule et faciliter la traversée de la pente. Ensuite, notre véhicule s'engagea sur une piste très poussiéreuse. Ce trajet dura près de deux heures. Enfin, notre douar Tagadirt était en vue sur l’autre versant ouest de la grande vallée qui commence à Ait Baha.

La route, où il n'y avait pas une seule trace de goudron ou de ciment, avait été construite par les montagnards réquisitionnés par les Français. Elle n’arrivait pas encore chez nous, dans notre douar. Lorsque l’automobiliste nous déposa, il nous fallait descendre à pieds le flanc est jusqu’à la rivière du fond de la vallée et ensuite remonter l’autre flanc, soit parcourir plus de deux kilomètres et demi au milieu des pierres dures comme du granit et piquantes comme des cactus. Le froid me mordait les oreilles, le nez, les doigts et les orteils. Mais petit à petit une douce chaleur nous enveloppait.

Derrière nous, le doux soleil d’hiver semblait éclairer tel un projecteur céleste notre chemin. Nous dévalâmes dans une grande joie la première pente rocailleuse qui descendait de la piste.

Arrivés au milieu du versant, sur un petit plateau, nous étions à côté de très vieilles ruines appelées « Okhrib Oabel » (Les ruines d’Abdel). C’était un grand douar du XVIIème siècle. Cette tribu des Idaou Gnidif se trouvait d’ailleurs au centre de la première principauté des Saadiens (Issaadiyen = gens porte bonheur en langue amazighe) qui allaient réunifier le Maroc et tenter de retrouver l’empire perdu. Cette principauté judéo-amazighe, utilisait comme parler le tachelhite et comme langues religieuses l’arabe et l’hébreu.

Le douar avait été bâti, au début du XVIIème siècle par un prince Saadien cousin de l’empereur Ahmed el-Mansour ed-Dahbi nommé Abdellah Tagmadert, un jeune Amazigh chrétien récemment islamisé.

A la fin du XVIème siècle, venant de Marrakech, Abdellah avait accompagné son cousin l’empereur à la tête d’une puissante armée sur le chemin du Mali et du Niger. Elle passa par cette grande vallée. Les Saadiens allaient livrer bataille pour la possession des mines de sel du désert. Ils finiront par conquérir Tombouctou, Gao et tout le grand empire songhaï…

Son épouse enceinte, Abdellah Tagmadert voulait juste se reposer dans cette vallée en face du rocher sur lequel ses descendants allaient bâtir, plus de cent vingt ans après, le douar de Tagadirt. Abdellah voulait seulement faire se reposer son épouse  et attendre le retour de l’armée conduite par son cousin. Mais au retour du Sahel, celle-ci passa bien loin : A près de deux cents kilomètres au nord est car l’empereur était souffrant. Il allait mourir à Marrakech deux ans après. Abdellah tomba amoureux de cet endroit. Il finit sa vie sur ce petit plateau après avoir eu beaucoup d’enfants, nos ancêtres.

Les Alaouites remplacèrent les Saadiens à la tête du Maroc vers le milieu du XVII ème siècle. A la fin de ce siècle Moulay Ismaël détruisait le palais Badii de Marrakech pour transporter les mosaïques arrachées vers son palais de Meknès. Nos présentes ruines d’Abdel formaient alors la cité la plus prospère dans un rayon de plus de cent kilomètres dans cette chaîne montagneuse de l’Anti Atlas avant qu’elle ne fût touchée par la désertification actuelle.

Dans tout le Maroc, les gens libres, paisibles et non assoiffés de sang, adoptaient des attitudes défensives et allaient habiter dans les montagnes où ils se sentaient plus en sécurité. Ils laissaient les plaines aux tribus agressives et toujours prêtes à attaquer tout ce qui bouge autour d'elles aussi bien les humains que les animaux..
                              
Arrivés en face de notre douar, sur l’autre flanc du ravin, papa s’assit sur un gros caillou. Il eut des larmes aux yeux en me racontant que lorsqu’il avait mon âge, son père avait été obligé de rester chez lui un mois en attendant que sa mère et sa femme, ma grand-mère, finissent le tissage de son vêtement !

Regardant notre douar sur l’autre flanc, papa se tut lorsque nous vîmes  une foule à l’entrée de notre maison. Comme le soleil était derrière nous, il éclairait devant nous tel un monumental projecteur. Papa cria : « Mon cinquième fils est mort ! ». En effet, l’attroupement des gens ressemblait à s’y méprendre, à un enterrement ; mais plutôt chrétien car c’était le noir qui dominait chez ces gens-là. Et tout le monde était musulman. Je me mis à pleurer pendant que mon géniteur essayait de comprendre ou d’imaginer la raison de l’attroupement :

- Ce n’est pas un baptême car ça fait des mois que mon fils est né ! – Ma femme est seule à la maison avec le bébé… Les gens n’ont rien à voir ! – Elle ne peut pas organiser une réception car elle ignore que nous allons venir ! – Mon frère ne peut pas faire la fête dans ma maison car il a celle de nos parents et une autre toute neuve en dehors du douar ! – La vache de ma femme ne peut pas avoir donné naissance à un être bizarre ou à plusieurs veaux à la fois ! – L’âne de la famille ne peut pas avoir attiré la foule. S’il était enragé, on l’aurait simplement poussé par-dessus la falaise ! Tous les rochers et les murs sont à leurs places…

Dans la tête de papa il y avait un abominable cirque et point d’explication que des hypothèses dures à admettre. Ahmed se rappela le précepte fondamental de Sherlock Holmes : « Quand toutes les hypothèses vraisemblables ont été écartées, et quand il ne reste qu’une seule solution, si invraisemblable soit-elle, alors cette idée folle s’appelle la vérité ! », pensa papa en se disant, tout en pleurs : « Mon fils est mort ! C’est sûr et c’est la vérité ! ».

J’avançais à grandes enjambées en pleurant. Mon beau paysage natal devint menaçant. Mes yeux sentaient avec douleur le monumental rocher du douar avec ses arrêtes effilées. Ce n’était pas un rocher, c’étaient des ovins et des bovins sans peau pendus à une corde invisible.

Nous dévalions une montagne de stupéfaction et d’anéantissement. Nous descendions la pente raide comme si nous étions poursuivis par une énorme bête sauvage. Au milieu de la rocaille, des grosses pierres et des moellons, je tombais plusieurs fois. Pleins de poussière et d’égratignures, nous arrivâmes à la petite rivière. Je voulus boire rien qu’une petite gorgée d’eau fraiche, mais papa me tira par la main pour traverser vite le ruisseau. Dans de petits vergers clôturés au bord de l’eau, des femmes bêchaient, sarclaient et arrosaient les plantes.  Jamais je n’avais vu mon père courir de cette façon : comme un fou qui court derrière quelque chose de perdu.

Nous ne sentîmes pas le parfum des roches mouillées, ni de la paille qui commençait à pourrir en ce début d’hiver. Les nénuphars de la rivière m’apparaissaient comme de grandes tâches de sang noircies par le temps.

Arrivés, complètement à bout de forces, à Tagadirt, notre douar, mon oncle vint vite nous accueillir. Les larmes mouillaient toujours nos joues.

- Vous l’avez déjà enterré ? Sans même que je le voie ! Lança papa sur un ton où la douleur se mélangeait à la colère. Nous étions pleins de poussière et moi d’égratignures.

- Enterré qui ? Répondit mon oncle sur un ton de parfaite surprise. Il avait les yeux tout ronds et semblait se demander si son frère et son neveu n’étaient pas devenus fous. « En ces temps difficiles et troublés tout est possible ! » se dit-il enfin.

-  Mais mon fils, le bébé… Il est bien mort ?! N’est-ce pas ?!

-  Qui t’a dit qu’il est mort ? Il est vivant et en bonne santé ! Dit mon oncle et notre douloureuse angoisse se mua en perplexité.

-  Mais cette foule devant la maison que nous avons vue d’Okhrib Oabel ? Pourquoi tous ces gens ? Demanda papa sans se tranquilliser vraiment. Lorsqu’il vit son frère sourire, il se mit en colère et dit : « Tu es bien content, toi, avec tes quatre garçons ! Et moi un seul !... Dis-moi ! Vous l’avez déjà enterré ? » Demanda Ahmed alors que sa voix flanchait. Il voulut en vain se racler la gorge.

- Je te répète que ton fils n’est pas mort ! Viens le voir ! Dit mon oncle à son frère en lui prenant la main. Papa était tout silencieux. Pétrifié. J’étais dans le même état. « Mon frère n’est donc pas mort !? » Me dis-je en me délectant de joie en entendant l’échange entre papa et tonton tout en approchant de notre maison.

Remontant en hâte un escalier très mal éclairé, nous entendions les cris de mon petit frère. Ils nous parvenaient avec une force inextinguible. Il semblait nous crier : « Détrompez-vous je suis bien vivant même s'il y avait une foule à l'entrée ! ». Ses cris couvraient complètement la voix de Radio Maroc qui sortait de notre poste TSF.

Je vis alors mon petit frère dans notre nouveau salon. Entouré d’une très longue sangle plate de tissu blanc, le bébé avait tout l’air d’une petite momie posée sur le tapis. Maman baisa la main de son mari puis sourit en prenant l'enfant pour le lui remettre.

-  Détache-le ! Je ne vais pas prendre dans mes bras un paquet très bien ficelé ! Dit le père tout joyeux. Mais dès que papa  prit le bébé avec ses petites mains libres, il nous sourit et griffa son géniteur.

-  Le malin, il a juste quelques mois et il griffe déjà ! Comme ça je vais avoir moi aussi des égratignures comme ton frère qui se les a  faites en tombant plusieurs fois sur le chemin… Car nous avions cru que tu étais mort !

Lorsque l’imam de Tagadirt arriva en compagnie de mon oncle pour saluer mon père, ma mère s’éclipsa vite en nous laissant avec le bébé.

- Ahmed, tu parles de mort, pourquoi ? demanda mon oncle M’hamed.

-  Je t’ai dit que lorsque nous sommes arrivés sur l’autre versant en face du douar, et à côté des ruines d’Abdel, nous avons vu une foule à l’entrée de la maison… Et on croyait que le petit était mort comme mon aîné Mohamed et comme mes jumeaux Lahcen et Lhoucine... 

-  La foule devant ta maison ? Ah oui ! Ce sont les gens de Tagadirt venus écouter Radio Maroc qui parle dans leur tachelhite (parler amazigh) sur le TSF que tu as apporté avec toi la dernière fois ! Ils ont entendu que les Russes ont envoyé une chienne dans le ciel, et tout le monde s’intéresse à cette chienne au-dessus de nos têtes ! Dit mon oncle en riant.

-  La Radio ment ! Les Russes ne peuvent pas envoyer un chien, encore moins une chienne dans le ciel qui est le royaume d’Allah ! Ils l’ont seulement lancée sur la lune pour l’empêcher de continuer à briller et pousser les Musulmans à ne pas prier et à ne pas faire ramadan ! Dit l’imam. après avoir baisé la main à son employeur, papa qui sortit une enveloppe et la lui remit.

-  Pourquoi les Russes ont envoyé une chienne dans le ciel ? Demanda mon père.

-  La radio dit qu’ils ont envoyé une chienne nommée Laïka. Ils la font tourner autour de la Terre ! Répondit mon oncle.

-   Tourner autour de la Terre qui est plate ? C’est une folie ! Ces Russes sont des fous et de pires mécréants ! Le djihad contre eux est non seulement halal mais un devoir …! Dit l’imam sur un ton magistral. Du rez-de-chaussée de notre maison où il y avait l’étable contenant un âne et une vache, celle-ci mugit, beugla et meugla si fort que l’échange entre les hommes marqua une courte  pause.

-  Les Russes auraient dû envoyer une vache afin que les anges puissent s'offrir un méchoui (rôti) ! Lança tonton.

-   Lorsque... en France... j’étais à la CGT les Russes étaient avec nous et tout le monde disait que la Terre est ronde et non plate ! Dit mon père. L’imam devint silencieux. Il se rappela que papa n’était pas très fidèle au clergé. Il ouvrit grand les yeux et donna l'impression de vouloir dire quelque chose mais, en touchant l’enveloppe dans sa poche, il perdit son latin, nous salua et se leva pour sortir. C’est alors que je lui demandai :

-   Eh ! Sidi l’imam ! Est-ce-que la chienne Laïka  des Russes porte une culotte ?

-   C’est quoi « kilotte » ? Demanda le religieux accompagné par le braiment subit de notre âne.

-   La culotte, c’est un kilo sur la tête ! Dis-je avec un large sourire et une grande joie de pouvoir me moquer de celui qui m’avait torturé avec une faucille chauffée à blanc dans la mosquée voisine de notre maison, il y avait presque deux ans auparavant. Les deux causes : j’avais les cercles du cuir chevelu qui tournaient à gauche et j’avais jeté une bombe à l’entrée de la mosquée. (Voir mon précédent roman : La blessure des clous de girofle).

-   L’âne et la vache, je te les laisse. Tu iras les vendre au souk car je vais emmener toute ma famille avec moi à Marrakech. Dit papa à son frère aîné.

Cette histoire de chienne russe dans l'espace, brisait l'ennui mortel et l'incroyable monotonie qui régnaient à Tagadirt. Elle fut comme un tremblement sournois dans les croyances et les dogmes et dans les représentations des gens.  

Ma mère revint avec nous quand l’imam fut sorti. Pendant que papa tenait le bébé dans ses bras, je reposais ma tête sur les genoux de maman. Et, très fatigué, je m’endormis rapidement. Quelques minutes après, je fus en plein dans un rêve pimenté d’une série de cauchemars.

 (suivent: 6 autres chapitres: D'abord il y aura la destruction de l'URSS par l'imam-général de Tagadirt, ensuite  des sauts à New York, Paris, Venise et Monaco)


Avis aux chers lecteurs: A cause des ennuis de santé et du fait que je suis obligé de m'occuper d'un dépôt résultant d'une promesse non tenue, et parce que je lis et écrit beaucoup, je suis dans l'obligation de réduire mes articles sur ce blog.

Mes chaleureux remerciements à: 
Albert Hazan (Ashdod, Israël), Jean Chandler , Martine Renous, Serge Raffy, Mohamed Abid, Driss Meliani, Robert Corcos, Jacqueline Mont et bien d'autres. Merci de me donner de l'espoir par vos précieux encouragements !
Voici mon numéro: 212 661 660 947
Mon e.mail: saidlemlihe@gmail.com
  


                                    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire