dimanche 22 octobre 2017

Mon dernier écrit en attendant qu'on archive mes 4000 pages

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Ci-dessous un autre extrait de mon roman autobiographique intitulé " La blessure des clous de girofle"


J’accompagnais  ma mère, par une après-midi très ensoleillée.  Nous allions chercher l’eau à la source en bas du douar. Sur le sentier très abrupt, des pierres pointues freinaient notre descente. Comme d’habitude, j’étais pieds nus. En haut, il y avait les épines des figuiers de barbarie qui me faisaient mal lorsque ma main les touchait. En bas, les cailloux me piquaient.  Nous tournâmes à peine en bas de Tagadirt, au-dessous d’Azrou, que nous fûmes rejoints par deux femmes qui, pressant le pas, arrivèrent vite derrière nous. L’une d’elles lança à l’autre :

-          Tu sais, la vieille Rkia est enceinte !
-          C’est vrai ? Demanda l’autre en s’adressant à ma mère qui souriait.
-          Oui ! Répondit R’kia qui était un peu essoufflée en raison du poids du lourd récipient d’eau en terre cuite qu’elle portait sur son dos. Pour chercher l’eau, en effet, on se servait des vieilles amphores dont l’origine remontait à l’Antiquité gréco-romaine.

Cette nouvelle jeta dans mon cœur de petit enfant une inoubliable joie. J’étais fils unique. Mes deux sœurs aînées étaient déjà mariées. Ma dernière petite sœur venait  de mourir ou plus exactement d’être tuée par le charlatanisme tribal béni par le clergé islamique.  En pratiquant  la cautérisation (al kayy) on l’a brûlée au crâne pour de prétendus mauvais signes précurseurs.

Dans tout notre douar, excepté Boîte-à-clous, j’étais le seul garçon qui n’avait pas de frère. Mon cousin Hassan en avait trois bien grands et déjà partis dans le Nord.

Deux avions militaires français qui passaient en rase motte dans la vallée firent un tel bruit que je n’entendis pas la suite de l’échange entre les deux femmes et ma mère. D’ailleurs, mon énorme joie m’empêchait d’entendre quoi que ce fût d’autre. J’étais obnubilé par l’idée d’avoir un frère, moi aussi.

A la source, je me demandais  comment a fait mon père pour fabriquer avec maman un enfant alors qu’il n’était resté que quelques jours au bled. En buvant de l’eau de source des mains de ma mère, je me rappelai la récente nuit où je l’ai entendue crier comme une chatte. Ses cris étaient renvoyés et amplifiés par les rocs des montagnes nues. Jalouse rocaille !...

Je me souvins alors avoir entendu d’une grande personne que dans la nuit lorsque une chatte miaule jusqu’à crier c’est qu’elle fabrique des petits. « Pauvre maman ! Elle doit avoir beaucoup souffert pour me fabriquer un frère ! » Me dis-je en la suivant sur le chemin très abrupt qui montait de la source à Tagadirt. C’était un véritable escalier sans marches. Il ne fallait surtout pas glisser sur cette pente raide avec une lourde amphore pleine d’eau sur le dos.

« Maman est très forte ! Peut-être qu’elle va me faire deux garçons en même temps. Des jumeaux. Elle en a eu avant ma naissance, mais ils sont morts et ma tante Zaina vient d’en avoir aussi. » Me dis-je alors que nous arrivions en dessous d’Azrou. Ma mère se reposa sur une grosse pierre. Les deux femmes remontèrent de la source visiblement plus essoufflées qu’elle. « Alors ? Qui est vieille ? Moi ou vous deux ? ». Leur lança R’kia tout sourire.    


                                               ***

Trois mois après, mon père revint passer quelques semaines au bled. Il découvrit avec une immense joie qu’il avait  fait un huitième enfant à ma mère lors de sa dernière brève visite.

-          J’espère que ce sera un garçon. Je vais emmener Said avec moi à Marrakech où je vais m’installer car Meknès est trop loin. Si tu as un garçon, je vais te prendre avec lui et nous vivrons dans la ville ocre. Dit mon père tout joyeux.
-          Et si maman a deux garçons qu’est-ce-que tu ferais ? Demandai-je à mon géniteur avec un air malin.

-          Si Rkia a des jumeaux je lui achèterais une voiture et lui prendrais deux bonnes. Dit papa en riant et en sachant qu’il a bien vécu plus ou moins heureux sans voiture et sans bonne ni serviteur. Il n'a trompé personne n'a profité de la sueur de personne...

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