Ci-dessous un texte de mon amie la poète Nadia Belkacemi ... Sa conclusion est absolument juste, j'ajouterai que cette volonté est à la base qu'en démocratie il y a de plus en plus de "pas-hommes" qui se font élire... L'humanité va vers le règne des amels car pour se faire élire il faut plaire à tout le monde !
J'avais à peine 17 ans quand je suis tombée sur un petit encadré dans un journal étatique -c'était au temps du parti unique , presse unique , idée unique ...-.Cet encadré parlait d'un concours organisé pour l'année internationale de la paix 1986 , par l'ONU...
Je n'avais jamais pensé à participer à un concours de poésie avant et même là c'était plus l'idée qui m'avait interpellée : la paix ,oui mais laquelle , est ce que tout le monde pouvait parler de sa "paix " à lui , à partir de son vécu ?
J"ai passé une année à suivre ce qui se passait dans le monde avec les moyens du bord -très peu de journaux , très peu de livres , pas d'Internet et surtout sans en parler à personne -
Et je ne savais pas vraiment de quoi j'allais parler , jusqu'à ce que je tombe sur une pétition d'écrivains appelant à la libération de Benjamin Moloise, poète Sud-Africain condamné à mort par pendaison pour avoir tué un policier du régime d'Apartheid de Pretoria.
J'attendais donc et je lisais entre temps les nouvelles du monde , celles que le parti unique laissait filtrer du moins , questionnais aussi mes profs dont certains avaient des idées très éclairées sur les sujets et me les glissaient presque en murmures ...
Fin 85 , Moloise fut exécuté et je savais déjà ce que j'allais écrire .Mon poème rumine durant une année ,oscillant entre les tendres rêves d'une jeune-fille et la révolte des démunis est né en une nuit et je l'ai posté le lendemain , en secret , avec de l'argent économisé durant une longue période et cette introduction " Ne vous fachez pas messieurs , ne vous offusquez pas mesdames , mon poème n'est pas beau , la misère n'est pas belle non plus .J'aurais pu vous parler de paix , du soleil magnifique chez-moi , de fleurs , mais je me suis souvenue qu'on ne parle pas de fleurs quand on n'a pas de jardin ".
Mon poème parlait de résistance , de Hiroshima , d'enfants Palestiniens , des geôles de Pretoria et il s'appelait "le prix de la paix " et dedans je disais que la paix se fera quand ceux qui tiennent les rênes du monde cesseront de se moquer de la colère des miséreux et ecouteront leurs revendications ...
Je disais en gros que ce concours était une mascarade et mon poème évoquait aussi Moloise ...
Une année plus tard , je reçus une lettre me disant que j'avais eu le second prix pour mon poème sur la paix qui ne parlait pas trop de paix mais de luttes ...
J'avais à peine 18 ans et je soutenais le droit des gens à lutter comme ils le peuvent et avec les moyens qu'ils ont pour leur indépendance , la justice et je disais que l'impérialisme américain était responsable de beaucoup de dégâts dans le monde avec la complicité de ses satellites ...
Ce ne sont pas des erreurs de jugement dus à mon jeune age , c'etait une révolte née d'un vécu et de mon observation , certes avec le temps et l'acquisition de nouvelles donnes, je l'ai affinée , travaillée...
On ne s'excuse pas pour nos colères, on peut expliquer ce qui les avait fait naître mais un artiste doit assumer chaque pas et chaque prise de position dans la construction de sa conscience et avoir l'intelligence de la transformer en une richesse , parce que ce que l'on attend d'un artiste n'est pas qu'il soit gentil ou lisse mais entier dans chaque pas qu'il entame et pouvoir dire franchement " un jour , j'ai vu les choses ainsi et j'en ai parlé en fonction "... S'excuser , c'est vouloir plaire à tout le monde et vouloir plaire à tout le monde , c'est perdre beaucoup de soi-même ...
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