Cela se passe sur une planète très lointaine, exactement copie conforme de notre Terre. C'est dans une autre voie lactée. Sur cet autre corps céleste, existait un beau royaume. La paix et l'amour y régnaient. Tout était vrai dans ce pays: Les riches étaient vrais, les esclaves étaient vrais, les intelligents étaient vraiment intelligents et les idiots étaient faussement et volontairement idiots... Jusqu'au jour où le plus idiot devint vraiment idiot. Ensuite il obtint le statut de con et finit par devenir fou. Tel fut le qualificatif que le peuple lui attribuait.
Depuis qu'il touchait au sacré, il a été plusieurs fois conduit au commissariat où il reçut quelques gifles. On a bien voulu le juger et l'enfermer en prison. Mais il n'y avait plus de place, même debout, dans les centres pénitenciers. Alors, on l'a déshérite puis on l'a laissé végéter dans les ruelles de la médina. Devenu SDF, l'ex con laissait pousser sa barbe ensuite, il se prenait pour un nouveau prophète. "Puisque Moïse n'était qu'un berger barbu, que Jésus n'était qu'un pauvre ânier barbu et que Mohamed n'avait que ses sandales et sa barbe, je suis donc un peu comme eux ! " Se répétait-il en parlant dans le vent. Il ajoutait:
- Pour être un vrai nouveau prophète, je dois bousculer les dogmes fixes et les idées reçues. Je vais commencer par le grand patriarche Abraham (Sidna Ibrahim), le père de ces trois religions qui dominent le monde. Ce saint homme a été un grand polygame durant sa vie. Lorsqu'il a atteint l'âge de quatre-vingt-treize ans il fit quelque chose qui montre que sa folie était bien plus grande que la mienne: Il a pris un caillou pointu et a enlevé une rondelle de peau à son zizi en criant :"Mon Dieu ! Voici ! Je signe une alliance entre Toi et moi avec mon sang"... Dans sa crise de folie, il attrapa son fils de treize ans et lui fit la même circoncision... Depuis, notre monde est conduit par des fous qui se sont occupés non plus de leur sexe et du ciel, mais ils ont utilisé leurs folies autour d'eux. Ainsi, ils découvrirent plein de choses et inventèrent plein d'autres choses. Leurs folies produisirent toutes sortes de machines.
Sans cortège ni trompette, le fou marginalisé sortit de la cité. Il marcha jusqu'aux frontières du grand royaume, puis monta sur un tronc d'arbre flottant sur un fleuve. Il arriva à l'embouchure du fleuve. Mais le courant le mena vers le large. Enfin, il accosta à une île étrangère. Il descendit de son bois et s'assit à contempler le paysage. Il voyait le fleuve devenu océan. Dans sa tête un vent de poésie balaya l'idiotie. Et le fou sourit en se sentant bien léger, aussi léger qu'un papillon. Il remonta sur son tronc d'arbre après avoir bricolé une rame et reprit les flots en croyant voir des montagnes tout au fond de l'horizon.
La mer lui apprit que vivre c'est bouger. Dans son cerveau, un grain de folie se forma et poussa. Et il sourit et se dit: "Je vais bouger plus que la mer ! J'ai des pieds et des mains ! Je peux bouger dans tous les sens !". Il descendit sur la terre ferme, gesticula et prit ses jambes à son cou et courut. Il courut jusqu'à la grande et vaste jungle au bord du royaume. Grâce aux arbres, il parvint à échapper à tous les animaux sauvages. Sur un vieux et grand olivier, il sourit en regardant en bas.
Sous l'arbre un âne vint se reposer. Le fou remarqua que l'âne se défendait avec juste des coups de pieds. "Moi, je peux me défendre avec mes quatre membres et non seulement les deux arrières !" Se dit le fou lorsque son grain poussa pour meubler sa tête. Il descendit décidé à se défendre avec ses quatre membres. Mais voyant le phallus de l'âne se gonfler il remonta dans l'arbre, mangea une banane en observant une bête monstrueuse emmitouflée dans un merveilleux manteau de fourrure.
La bête se jeta sur l'âne qui l'envoya loin avec un vigoureux coup de patte. Elle se redressa et lui montra ses terribles dents. L'âne fit de même avec ses dents fort modestes. "Montre-lui ta virilité !" Cria à l'âne le fou de plus en plus intelligent. Ce que fit celui-ci illico presto. Et la terrible bête se sauva en tenant fermement sa fourrure car elle craignait plus que tout de la perdre. Le fou descendit et devint le meilleur ami de l'âne viscéralement reconnaissant envers son sauveur. "Avec ma virilité je peux aller très loin" Se dit le bourricot qui faisait son premier pas sur le chemin de l’intelligence.
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Monté sur l'âne, le fou quitta la forêt et arriva à un souk. Il laissa son âne au foundouk, un enclos pour les bêtes et alla faire un tour dans le grand marché au désordre pittoresque. Comme sur cette planète lointaine on était légèrement en avance sur la Terre, notamment dans les progrès numériques, toutes les opérations commerciales se passaient en ligne. Avec sa carte tatouée sur son bras, le fou paya un chouari (grand sac pour les ânes) puisqu'on lui offrait avec le chouari un pack gratuit contenant la nationalité française et le passeport français. En effet, sur cette planète aussi, il y avait une république française dont la nationalité était valorisée certes mais pas autant que celles des Etats d'Arabie, mille fois plus difficiles à obtenir.
Devenu français, notre fou, décida de rentrer à son pays natal sous l'identité de Monsieur Jacques Dubois. Il se teinta les cheveux en blond et se présenta aux douanes de son royaume natal avec son passeport français. Comme la pénurie des touristes français faisait souffrir le royaume, chaque arrivant de l'Hexagone était vite promus PET (Pacha Etranger au Territoire). Diplômé en économie, notre homme a une idée de ce qui manquait au pays où il arrivait. Tout sourire, il déclara au poste-frontière: "Je suis français, j'ai quelques économies à fructifier, quelques millions d'euros, pas bien nombreux, à investir..." Ce dernier mot provoqua une onde de choc qui parvint jusqu'à la capitale. "Un Roumi qui veut investir ! C'est un don d'Allah !" Se dit-on dans les hautes sphères où on continuait de se plaindre devant des vaches maigres. Des boss salivaient à la perspective de devenir associé du Français investisseur. Rapidement les ordres furent donnés pour un accueil exceptionnel à ce VIP exceptionnel...
On offrit donc au visiteur une escorte armée jusqu'aux dents pour le protéger des méchants indigènes et lui faire le passage dans les foules. Sur son âne, le faux Français suivait un commando qui tantôt tirait en l'air avec ses armes automatiques, tantôt donnait des coups de cravache aux indigènes squelettiques et faméliques en criant sans arrêt "balak ! balak !". L'ânier faussement blond levait le nez en l'air en passant entre les alignements à perte de vue des marchands ambulants et des mendiants. Toutes les mains et les bols qui se tendaient vers lui recevaient des coups de cravache ou de crosse car on ne voulait pas que le touriste VIP fût dérangé.
Lorsque Monsieur Jacques jeta une pièce en l'air, son escorte se disputait pour l'avoir. Un échange de coups de feu coûta la vie à deux gardes. L'ânier continua sa route sans marquer le moindre arrêt. Dans la tête du visiteur l'image du présent chassait celle de son passé récent. Il se sentait riche et anobli. Passant devant une concentration de mendiants il leur cria:" Dites hamdolillah ! Remerciez Dieu ! Car si vous étiez riches vous seriez certainement plus malheureux que vous l'êtes. L'argent conduit au non respect des règles du Seigneur et donc en enfer ! Regardez l'Espagne c'est trop d'or et trop d'argent qui avait détruit ce plus riche et plus puissant royaume au monde au XVI ème siècle. Par la grâce d'Allah, vous pourrez voir se transformer votre belle misère en richesse halal ! Bref remerciez le Créateur ! Celui qui vous a donnés la vie !" Une chorale de "hamdolillah" accompagna l'ânier longuement. Des hommes corpulents parvenaient à supporter les coups de cravache pour lui baiser la main.
- Je pourrais bien créer une zaouia dans ce royaume où il y a, à gogo, des gens innocents et crédules. Ce sera par exemple "la zaouia des gobeurs" ou encore "la zaouia boniface" ! Si je faisais de la politique je pourrais devenir leader d'un grand parti politique et serais élu haut la main au Parlement. Je pourrais même devenir ministre rien que quelques mois et gagner une retraite de 20 SMIG à vie... Je ne boirais plus que du whisky high classe, je vais me payer des mariages de plaisir halal aux quatre coins du monde où je voyagerais dans mon jet ou dans mon yacht. Me voici déjà VIP sans le moindre frais. Au lieu d'investir mes sous dans le commerce ou dans l'industrie, je ferais donc mieux de les investir dans la politique. Se dit le faux Français qui reprend sa pensée:" Si je fais des affaires ici où la funeste compétition devient grâce au trio: corruption, rente et impunité, la voie royale pour participer à la partition et devenir un roitelet à la tête d'une principauté". Dans des toilettes, il éclata d'un rire fou car il était sûr de réussir vite.
Toujours sur son âne, le touriste hyper valorisé fut reçu par les autorités locales et régionales avec d'incomparables honneurs dans le plus beau et le plus luxueux palace du pays. Les responsables lui offrirent une suite royale avec une douzaine de serviteurs. Ces derniers étaient composés de six jeunes garçons beaux et mignons et de six très jeunes et belles filles. On lui remplit le jacuzzi avec de l'huile d'argan pure volée aux Berbères producteurs avec une excessive valorisation mercantile. On lui apporta les parfums les plus exquis. Dans les quatre coins de la luxueuse suite brûlaient les bois rares des Indes. Ils répandaient une odeur à la fois capiteuse, chaude, enivrante et délicate. Pour nourrir le VIP, on dressa au bord de la piscine un grand buffet où toutes les cuisines mondiales s'alignaient. Non loin du palace, une très longue rangée de mendiants mektoubards attendait de se disputer les restes du banquet.
Voyant combien il tenait à son âne, on offrit à la bête une suite princière. On lui trouva vite une belle ânesse parfumée et au poil lisse comme de la soie. Les deux équidés trouvèrent de mauvais goût la nourriture qu'on leur apportait. Ils se jetèrent sur les belle plantes du grand jardin de l'hôtel . Pour ne pas offenser le généreux client, Monsieur Jacques Pet, les responsables du palace laissaient faire. Rapidement toutes les fleurs furent dévorées et toutes les belles plantes aromatiques et odorantes sont soit mangées soit piétinées et écrasées. Surtout quand l'âne essayait l'un des nombreux fers à cheval que l'administration du palace avait bien voulu lui faire livrer très rapidement dès qu'il en fit la demande.
Après s'être reposé dans sa suite, l'unique touriste monta dans la très longue limousine de luxe de l'établissement et demanda au chauffeur de faire un tour en ville. Deux véhicules militaire le précédaient sur la route tandis que cinq motards l'accompagnaient de chaque côté. Sur le trottoirs des artères empruntées, des manifestants criaient en se penchant pour saluer à l'orientale :"Baraka ! Baraka ! Pet prend corona avec toi !". Le faux Français demanda à son guide de lui expliquer. "Même si j'ai vécu ici et que je comprends le parler local, je ne comprends pas ce que veut dire le mot "Corona". Explique-moi !" Lui répète-t-il.
- Honorable pacha ! Il y a plusieurs mois un virus a été fait entrer ici par des étrangers; car comme d'habitude tous nos malheurs sont d'origine étrangère ! Il faut le comprendre, le croire et le répéter sinon vous aurez des problèmes. Le virus importé a vidé les hôtels et tué l'économie. On a repris les activités mais rien ne marche toujours pas comme il faut. Le virus continue de tuer. Et les manifestants vous demandent de les débarrasser de ce mal ! Dit le guide car à la radio, un élu a raconté que "la brillante gouvernance des responsables a fait revenir les touriste et qu'un pacha français est venu nous débarrasser de la pandémie.
- Ah bon ! Tout cela s'est passé alors que j'étais dans les arbres ! Avant que je ne devienne français ! " Se dit Monsieur Pet alias Jacques Dubois. Et l'ex fou redevint encore plus fou : Il ordonna, aussi vite que s'il y avait du feu autour de lui, qu'on le ramène à son palace. Pendant que le cortège fonçait sur la route, le faux Jacques répétait :"Il fallait me le dire ! Il fallait me le dire ! Il fallait me le dire !". Enfin, le cortège revint à son point de départ.
Arrivé à l'entrée du palace, le Faux Français descendit de la limousine sans attendre qu'on lui ouvre la portière. Telle l'aiguille d'une boussole, il se tourna vers le nord et se mit à réciter du chinois de vive voix en se courbant comme un prieur musulman, mais bien vers le nord et non en direction de la Mecque. Son bourricot sortit de l'hôtel en courant et en renversant à gauche et à droite divers objets décoratifs. Des vases de diverses dynasties chinoises de grande valeur se brisèrent. Une vieille porte en bois berbère rare tomba et se fissura en deux, une fontaine décorative fut détruite. "Ça fait rien ! C'est pas grave !" Cria le Directeur Général arrivé pour accueillir l'honorable touriste, le Pet.
Arrivée devant le luxueux établissement, la bête quadrupède se courba aussi en direction du nord. Elle brayait pendant que son maître récitait son chinois. Ensuite l'âne retira son fer à cheval tout neuf et le posa sur le carrelage de l'entrée du palace. Tel un puissant aimant, le morceau de métal attira tous les virus corona dans un rayon de cent kilomètres. On aurait dit qu'il a sonné le rappel des troupes. Le rappel des soldats de Dieu. Même ceux qui se multipliaient dans des corps cessèrent de se reproduire et furent attirés par le fer à cheval. Pendant que le métal agissait, le bourricot se pencha vers son maître et lui dit très faiblement à l'oreille:
- On t'a vu prier vers le nord et réciter du chinois ! Fais bien attention tu pourrais te faire arrêter pour prosélytisme par ces Musulmans fidèles à Allah et à son Messager !.
- Ne t'inquiète pas ! Je ne suis pas n'importe qui ! Les Musulmans sont suffisamment intelligents pour ne pas agir contre leurs intérêts... Je te crois capable de comprendre que si je me courbe vers le nord c'est que moi je sais que la Terre n'étant pas plate se courber vers n'importe quelle direction vous mène vers le point désiré, autrement dit on peut aller vers la Chine en passant par le pole nord, c'est la même distance sinon un peu moins que d'aller vers l'est...
- Merci cher maître pour cette leçon de géographie ! Dit le bourricot lui aussi et encore une fois dans l'oreille de Jacques. Et il demanda:
- Mais pourquoi tu pries en chinois et en direction de la Chine ?
- Je m'adresse à l'oreille et au cœur internationalistes du PCC (Parti Communiste Chinois) en récitant la fatiha ou le premier paragraphe du fameux livre "Le Capital" de Karl Marx...
- Je ne comprends rien du tout... Pour moi ce que tu dis c'est du chinois !
- Evidemment cher bourricot ! Si tu comprenais tu ne serais plus un âne !
- Et je ne serais plus aussi virile ! Dit l'équidé en éclatant d'un rire qui se dissolvait dans le braiment.
---- B ---
L'unique touriste prit donc la pièce de fer et rentra dans son hôtel. Des millions de coronavirus s'accrochaient solidement au métal. Dans sa suite, le faux Français chercha en vain de l'alcool pour laver et stériliser le fer. Il trouva une belle bouteille du whisky Chivas Royal en céramique bien emballée dans du tissu de soie bleu. Il ouvrit la bouteille et, dans un lavabo, versa de l'alcool sur la pièce. Relevant la tête, il vit dans le miroir un être derrière lui, aussi grand que lui mais avec une tête qui n'a rien d'humain. Il faillit s'évanouir, et il resta bouche bée en baissant la tête et le regard lorsqu'il se tourna derrière lui. Il vit un corps humain, des pieds et des bras humains. Il a bien voulu éviter de voir la tête de la créature qui se tenait devant lui. Il ferma bien les yeux comme s'il avait le soleil juste en face. Mais la créature lui dit:
- Ouvre les yeux et ne crains rien ! Absolument rien !
- Oui ! Mais enlevez votre masque s'il vous plait !
- Ce n'est pas un masque ! C'est ma tête !
C'était Corona tel qu'il avait été représenté des millions de fois. Face au faux Français tellement pétrifié qu'il referma les yeux avant de les rouvrir grands, éperdument grands, l'apparition se tenait debout et immobile. Corona caressa le visage de l'homme et lui dit à l'oreille :"N'aie pas peur je ne vais pas te faire de mal ! Je vais seulement t'expliquer pourquoi j'ai fait tout ce cinéma dramatique qui a coûté la vie à des centaines de milliers d'humains durant des mois un peu partout sur la Terre ! Alors viens t'asseoir et écoute-moi ! Je t'ai choisi parmi les millions d'hommes car tu a été le seul à me laver avec du Chivas Royal ! " L'homme n'a pu que s'exécuter. Il alla s’asseoir en tremblant de tous ses membres telle une feuille d'arbre au vent. Il ne sait plus où. Il s'assit dans un fauteuil pour écouter l'histoire de Corona.
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