samedi 6 janvier 2024

Marrakech: 70 ans du commerce des alcools LEMLIH (2)

Enervé, Allah a maudit le fabricant, le transporteur, le vendeur et le buveur ! Mais il n'a pas annulé la sourate où il disait de ne pas prier quand on est saoul !

Producteurs, vendeurs et buveurs vous êtes tous face au danger de tomber dans la bouteille et d'être des naufragés des alcools (cf mon récit). Ceux qui y tombent y restent car le Makhzen et la société ne les repêchent jamais, au contraire, ils les enfoncent sans pitié, soit en se moquant soit en priant qu'Allah les sauve ! Moi, Saïd LEMLIH, je suis parvenu à  me vaincre et à ne plus boire que quelques centilitres exceptionnellement comme feu mon père, Ahmed LEMLIH qui n'est pas du tout tombé dans la bouteille ! Très rares sont les familles comme les LEMLIH à faire durant 70 ans ce commerce malade et risqué dans une société foncièrement hypocrite !
 

 
Les nuits, à douar El Koudia où notre maison a été supprimée par la carrière, puis à  Bab Doukkala, la concubine arabe de papa me répétait :"Petit chleuh ! Tu es un singe né sur des cailloux !" Et les journées j'étais au milieu des bouteilles de vins, de bières, de pastis et de whisky dans l'épicerie de papa...Et je priais Allah de faire que maman, enceinte, ait un garçon !

Rentré de France, vers la fin de la première moitié du siècle passé, feu mon père Ahmed LEMLIH s'installa chez son frère M'hamed LEMLIH à Meknès. Celui-ci avait une épicerie dans la ville nouvelle (européenne), non loin de la gare ferroviaire Lafayette (devenue gare Emir Abdel Kader), dans le quartier Hamriya. Mon oncle avait des amis français et juifs marocains. Parmi ces derniers, il y avait un de ses voisins juifs nommé Berdugo (le père de Serge Berdugo, avocat et ministre marocain). Ce Berdugo était devenu un ami de mon père aussi.

Dans son épicerie, mon oncle vendait bien sur, des alcools. Mais comme presque tous les musulmans qui faisaient ce commerce, il ne buvait pas le breuvage considéré comme haram (religieusement interdit) par le peuple marocain musulman. Le boire était considéré comme une honte. On n'osait même pas en parler ni prononcer son nom devant des parents. Les gens du Makhzen dont la corruption commençait à se développer avec l'indépendance semblaient ne pas voir les alcools. Ce sont les années de plomb qui donneront un coup de fouet au commerce et par ricochet à la corruption. 
 
Lorsque mon papa eut l'idée de quitter Meknès pour aller s'installer à Marrakech, M. Berdugo lui dit d'aller voir un autre Juif de Marrakech: M. Bitton. Comme les Berdugo de Meknès, les Bitton de Marrakech avaient quitté le mellah (quartier juif) pour s'installer dans la ville nouvelle Hamriya pour Meknès et Guéliz pour Marrakech. L'immense majorité des juifs marocains, surtout ceux restés au Mellah, seront poussés à émigrer ou pratiquement vendus pour 900 kilos de blé  pour chaque juif qui montait dans un bateau !

Arrivé à Marrakech, Ahmed Lemlih  descendit chez le beau frère de mon oncle, Hadj Mahjoub Asbane, dans la médina. Celui-ci lui proposa d'ouvrir un commerce non loin de la Place Djemaa El Fna. A cette époque la lorsqu'on voyageait on descendait chez des proches ou chez des gens de la tribu. Aller dans un hôtel était synonyme d'aller chez les putes. Mais comme il avait passé 19 ans en France, papa était attiré par Guéliz, la ville européenne. Il alla voir M.Bitton qui l'accueillit merveilleusement. Bitton vendait en gros et demi gros les produits alimentaires pour les épiceries surtout les fromages, les boites de conserves et les alcools... 

Avant l'arrivée des Français en 1907, les producteurs et les commerçants d'alcool au Maroc étaient des Juifs marocains. Quant aux Musulmans lambda, ils prenaient l'alcool comme sirop contre un mal, parfois conseillé par des fkihs (curés musulmans) pour soigner des fièvres ou des maladies . Seuls les seigneurs et les gens très aisés buvaient. La classe moyenne se contentait de fumer. Après l'édification de Marrakech par les Almoravides il y a mille ans environs, une industrie sucrière se développa à l'ouest de la cité et quelques distilleries d'alcool à l'est... 

Récemment encore mais de moins en moins, les marocains juifs restent présents dans les alcools au Maroc. La mahia légale (eau de vie) est produite par eux. Lorsqu'un gros commerçant d'alcools de notre bled, M'hamed Mouhtij, bâtisseur de l'hôtel des Ambassadeurs mourut, il y a peu, c'était la communauté israélite de Marrakech qui fut la seule à publier un placard mortuaire dans la presse pour la nécrologie du défunt musulman !

Papa Ahmed riait en disant: "En France, et plus exactement dans les mines de Saint Etienne, sous la Troisième République, j'ai passé six ans dans un campement sans chauffage. Et il était interdit de passer la nuit dans la mine. En hiver, ça gelait ! On nous donnait une grosse bouteille pleine d'eau chaude. Et on serrait cette créature dans nos bras en tremblant.  C'est  comme ça que les Français m'ont appris à aimer les bouteilles !". Alors que la société des mines de Saint Etienne était l'une des premières sociétés anonymes de France, les travailleurs y vivaient comme dans un camp de concentration !   

Et ce fut M. Bitton qui indiqua le local et aida mon père à ouvrir une épicerie dans le nouveau marché de l'état major à cent mètres du bout ouest de la principale avenue du Guéliz (actuelle avenue Mohamed V) et juste derrière l'état major de l'armée. C'était vers la fin de l'année 1954 ! Une fois installé dans son magasin, mon père alla me chercher au bled, dans la montagne. Il y resta quelques jours qui lui ont suffi pour faire un bébé à ma mère. En me faisant quitter ma montagne natale, il prit maman en aparté. Elle a eu de lui 7 enfants dont 4, trois garçons et une fille, sont morts tout jeunes. Je l'entendis lui dire: "Femme ! Si tu me donnes un second garçon je t'emmène à Marrakech ! Si tu me donnes une troisième fille, tu resteras ici avec tes poules, ta vache et ton âne !" 

Ainsi, âgé de 6 ans révolus, je priais donc pour que maman ait un garçon afin qu'elle puisse venir à Marrakech avec moi et parce que mon cousin Hassan de même âge que moi avait trois grands frères ! Ma seconde sœur venait juste de se marier. Je restais donc le seul enfant à la maison... Mon premier souvenir étaient les épines piquantes car je marchais pieds nus. Mon second souvenir fut l'énorme flot d'une tempête qui coulait du dessus de l'immense rocher en face. Comme grand-mère me disait que Dieu était au-dessus, je croyais qu'il pissait ! 

A Marrakech, je priais Allah d'avoir un frère car chaque nuit la concubine arabe de papa m'insultait et me poussait en me répétant "Petit chleuh ! Tu es un singe né sur des cailloux !". Je ne parlais pas arabe mais seulement notre langue amazighe maternelle ! Et de jour j'étais au milieu des bouteilles d'alcools dans la minuscule épicerie de papa.  Moins d'un an après, Allah répondit favorablement à mes prières et papa m'amena chercher maman et mon frère : Abdallah LEMLIH.(voir mon roman Culotte fatale et djihad du camembert)

Et...  68 ans après,  l'Administration a fait de notre royaume un pays où j'ai la chance de pouvoir finir ma vie ! Un pays où on ne trompe pas,  où on ne vole pas et où on ne déshérite pas ses frères et sœurs pour être richissime tout seul et investir et satisfaire x et y.  Certains mauvais esprits  comme Hassan Aourid, l'ex camarade de classe de Mohamed 6, parlent de mafias. Certes le commerce des alcools est devenu une vache à lait pour le fisc et pour certains profiteurs, mais parler de mafias est excessif ! Certes, on répète, à haute voix, que ce commerce des alcools est haram et on déclare à voix basse que son argent est halal !   
 Mais, alors que les Bitton qui ont quitté notre royaume pour Israël ont réussi excellemment et ont donné à l'Etat hébreu deux ministres, un homme et une femme qui continuent  d'aimer  notre Maroc, les Lemlih souffrent d'un mal produit par une société foncièrement  injuste (même notre Roi reconnait cette injustice). Ce mal brise les familles, concentre les fortunes et démocratise les pauvretés et développe les armées de chômeurs et de mendiants et pousse à fuir le bled (2 de mes enfants ont émigré en France, un neveu en Allemagne, les 4 fils d'un de mes cousins (ex grand commerçant d'alcools à Rabat avant l'arrivée de Driss Basri, devenu  pauvre sans aucune couverture à 88 ans) ses enfants sont au Qatar, en Amérique, en Belgique et au Japon !)  Et notre malheur c'est qu'il n'y a pas d'alternative prometteuse et réelle à ce système injuste, excepté un réveil de notre Palais d'espoir après la désintoxication de notre peuple qui répète non stop :"Hamdolillah !" (Merci Allah) et "Hasbiyallah wa niaama al wakil". Sachons donc bien que celui qui rira bien sera celui qui rira le dernier et répétons dans cette vie comédie: "Hamdolillah!". 


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Ci-dessus l'enseigne de la chaîne de magasins créée, à partir du très modeste commerce de feu mon père, créée par mon frère Abdellah LEMLIH, un self-made man, qui a créé aussi, Champion Market et Menalco Food Of Morocco et d'autres biens dont et surtout trois enfants très bien élevés !  Allah izidou o yan3al 7ossado !

Mais les corrompus demeurent un problème dans notre royaume ! Un problème pour tous y compris pour notre Roi bien aimé qui est un être humain avec un grand cœur !

MAIS COMME LES LEMLIH NE FONT PAS PARTIE DE LA NOMENKLATURA, ALORS ILS SONT EXPOSES A DES DANGERS !

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