dimanche 24 mars 2013

DE L'OR DANS L'EAU ET DES TERRORISTES DANS L'AIR

Traditionnellement, ce sont les femmes, courbées en deux, qui lavent le sable aurifère dans les eaux boueuses de la rivière.
Des gens cherchent de l'or dans les oueds du sud pendant que d'autres cherchent des terroristes dans le nord


Alors que la guerre fait rage dans le nord du Mali, chaque jour à Kéniéba, dans le sud-ouest du pays, des milliers de chercheurs d'or creusent inlassablement la terre pour échapper à la misère et trouver le filon qui les rendra riches. Un rêve dans un paysage de cauchemar.

Àla force des bras, Hamidou remonte lentement de la profonde tranchée qu'il vient de creuser pendant des heures. Les gestes sont lents. Le poids de la fatigue, toujours plus lourd. Sur son visage couvert de poussière, les traits sont tirés. Les muscles de ses mains sont presque tétanisés.

 
À la force des bras, ce mineur se prépare à descendre au fond du puits.
À la force des bras, ce mineur se prépare à descendre au fond du puits. Crédits photo :

Dans la fournaise, par une température de plus de 45 °C, de 7 heures à 18 heures, il aura foré la terre sans presque s'arrêter, comme possédé par la fièvre de l'or.
Comme lui, des milliers de mineurs venus de tout le pays transforment chaque jour la région aurifère de Kéniéba, à environ 400 kilomètres de Bamako, dans le sud-ouest du Mali, non loin de la frontière avec le Sénégal, en une gigantesque termitière à ciel ouvert. À perte de vue s'étend un enchevêtrement de galeries compliquées, qui sont autant de saignées dans la terre aride.
Au fond de ces mines, les hommes triment sans relâche, l'espoir au coeur. L'or est partout. Ils le savent, ils le sentent. C'est plus fort qu'eux. Cette fois, c'est certain. Le filon est là, juste sous leurs pieds. Il les attend et fera d'eux des hommes riches. Immensément riches. Adieu la misère des faubourgs de Bamako, les dangers du nord du pays et la guerre civile contre les islamistes qui les a jetés sur les routes.

Dans la ville minière, on refait le monde et l'on oublie la misère


À plus de 10 m de profondeur, le mineur monte un à un les seaux de terre.
À plus de 10 m de profondeur, le mineur monte un à un les seaux de terre.

Le regard un peu perdu, ébloui par le lourd soleil de cette fin de journée, Hamidou lui aussi veut y croire. À quelques mètres à peine de sa mine, un jeune, presque un enfant, venu du Burkina Faso voisin a eu de la chance le mois dernier. Il a trouvé de la poussière d'or. Une vingtaine de grammes dans la journée. Une fortune! Demain, c'est sûr, ce sera son tour.
En attendant, il va rejoindre ses camarades dans un des campements de fortune de Kéniéba pour se reposer un peu et se rafraîchir. Formé de quelques cases construites en toile, en bois et en tôle ondulée récupérés ici ou là, son logement n'est situé qu'à quelques centaines de mètres de la mine.
Il va y dormir quelques heures avant d'aller boire une bière dans un des nombreux «maquis» de la ville minière. Un bar crasseux où, sous les néons, dans le fracas du R'n'B, les hommes s'oublient dans l'ivresse et, parfois, dans les bras des prostituées nigérianes qui trustent ici le marché de l'amour facile.

À peine majeurs, ils ont arrêté leurs études

Accoudé à la table, un couvercle de bidon d'essence soudé à une bielle hors d'usage, il a retrouvé ses amis, Abdou, Moussa, Oumar et Ousmane. Tous ont quitté leur famille pour venir ici tenter leur chance. Cela fait sept mois qu'ils creusent. Leur parcours est le même que la plupart des mineurs. Arrivés en bus depuis Bamako, ils ont mutualisé les frais. À peine majeurs, ils ont arrêté leurs études et ont préféré rejoindre la mine «pour aider leurs proches». Moussa, lui, travaillait avec les touristes. Mais les événements du Nord et le récit des exactions des islamistes ont fait fuir les étrangers. Sans travail, il est devenu mineur.

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