lundi 24 décembre 2018

Un cadeau à mes lecteurs à l'occasion de la fin d'une autre année


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Le douar Tagadirt est juste perché au dessus du rocher à gauche

A l'occasion de cette autre fin d'année (2018), je vous offre un extrait de mon roman "La blessure des clous de girofle" qui sortira prochainement.(On m'a dit en France que c'est un beau livre mais trop marocain ! d'où ce retard)

Je suis malheureux car je viens de perdre malencontreusement deux autres manuscrits: Culottes fatales et djihad du camembert et Mac Rond au carré mecquois !!!!!

               Mort de grand-père, mère enceinte

...Je me trouvais donc caché dans un coin du salon où mon grand-père venait de passer l’arme à gauche. Cependant, je ne savais toujours pas ce que voulait dire mourir. J’attendais donc que le géniteur de ma mère se réveillât de son sommeil.

Pour faire la tahara (la purification), l’imam avait déshabillée le mort. Je voyais son zizi debout comme un petit bâton. L’imam prit l’organe en érection entre ses mains en répétant « Tbarek Allah ! Tbarek Allah ! » (Quel don d’Allah ! Quel don d’Allah !). Il le lava seul. Me tournant le dos, il se pencha dessus. Je ne voyais pas ce qu’il faisait. Il me semblait qu’il récitait le Coran. Mais les cris venant de derrière la porte du salon m’empêchaient d’entendre le religieux. Je me contentais donc de voir ce qu’il faisait face à mon grand-père complètement nu et inerte.

L’imam semblait ne s’intéresser qu’au phallus du défunt. Il le lava puis le regarda debout comme le serpent que ma mère a tué à Tagadirt. Je regardais autour de l’homme. Il n’y avait pas de bâton. « L’imam va-t-il tuer, lui aussi, le serpent à coup de bâton ? » Me demandai-je avec un sentiment de profonde pitié pour mon grand-père dont le zizi était devenu pareil à un serpent.

J’étais bien silencieux dans ma cachette jusqu’au moment où je vis la tortue de mon oncle maternel aîné Lyazid sentir mes pieds nus. Je crus qu’elle allait me mordre et je fis un brusque mouvement de recul. L’imam m’entendit. Vite, il laissa le cadavre et accourut vers moi.

-   Un crapaud ! Un gros crapaud ! Criai-je pour tenter de détourner son attention et de fuir dehors. Mais il m’attrapa juste à l’instant où j’allai ouvrir la porte et sortir du salon.

Avec ses grosses mains plébéiennes, il me saisit. Je reçus deux puissantes gifles si fortes que je vis briller  d’innombrables étoiles sans lever la tête. Deux autres gifles me firent voir un trou noir avec des éclairs. Ce fut pire que des décharges électriques de grand voltage. Ce fut presque aussi douloureux que la faucille chauffée à blanc sur ma tête.  L'imam me poussa dehors avec un coup de pieds comme notre âne savait en donner. Je n’avais encore vu que la lune. Ce fut la première fois de ma vie que je vis, à côté du cadavre de mon grand-père, des étoiles très lumineuses et douloureuses.

« Mais qu’est-ce-que j’ai fait pour que les imams me frappent ? Celui de Tagadirt m’a torturé et m’a brûlé à la tête. Celui d’Ayoufisse m’a fait voir des étoiles avec ses gifles ! ». Me dis-je en poursuivant en retrait, le cortège de l’enterrement qui allait d’abord à la mosquée du douar pour la prière de l’absent.

Dans la foule, le cadet de mes oncles maternels  nommé Moh, attirait l’attention presque autant que son  défunt père. C’était un fugitif qui s’était enfui de la prison des Français à Ait Baha. Il avait été arrêté avec quatre fusils à percussion et à poudre achetés à Taroudant et cachés dans la selle de sa jument. Le petit tribunal militaire expéditif français d’Agadir  le condamna, au bout d’un simulacre de procès, à deux ans de prison ferme.

Enfermé au petit pénitencier  des Ait Baha, il put s’en échapper au bout d’une dizaine de jours de captivité.. Au début, il passait ses nuits dans des grottes et ses jours au sommet du mont Maaden et des autres montagnes. Il savait que les autorités coloniales avaient des indicateurs et des mouchards dans tous les douars. Sur les hauteurs, il surveillait tous les alentours. On lui remontait à manger.

Une bonne heure et demie après, mon grand-père était dans sa tombe rapidement sans bière et sans fleurs, après le transit par la mosquée du douar et la très brève prière collective. Il n’y eut même pas une pincée de ces fleurs avortées que sont les clous de girofle. Il reçut des mottes de glaise au visage voilé. Il ouvrit la bouche pour crier : « Mais que faites-vous mes enfants chéris ? Les Français m’ont seulement blessé et vous, vous me couvrez de terre comme un chat couvre ses excréments ! Vous êtes beaucoup plus méchants que l’armée française ! Enterrer est pire que bombarder ! ». Les mottes de terre l’empêchèrent de continuer à parler. De toute façon personne ne l’entendait ni ne l’écoutait. Grand-père disparut à jamais dans la tranchée boueuse.

Lorsque j’entendis que Moh, mon oncle maternel, le fugitif, était sur le mont Maaden, je me dépêchai de lui demander :
-  Est-ce-que tu as vu Allah sur la montagne ?
-  Non, mais il était venu m’aider à m’échapper de la prison des Français à Ait Baha…
-   Tu l’as donc laissé à la prison des Français ?
-   Qui ?...
-   Mais Allah qui t’a libéré !
-  Va te cacher, Moh ! Sauve-toi ! Car il y a beaucoup de mouchards ici ! Lui lança mon oncle qui était venu de Tagadirt, notre douar, pour assister à l’enterrement de mon grand-père.  Je le rencontrai à la sortie du cimetière où, tout comme dans les mariages, ont chassait les enfants de mon âge. Je lui demandai :

-  Tonton ! Est-ce-que mon grand-père reviendrait en vie si les Français  repassaient sur le versant de la montagne en face de Tagadirt comme moi je suis redevenu vivant à leur passage ?
-  Bien sûr ! Mon petit ! Lorsque la Légion française repassera tu verras ton  grand-papa ! Me dit mon oncle d’une voix inhabituellement triste après un instant de silence qui suivit un geste de lassitude.

Je ne savais pas que jamais plus la Légion Étrangère Française ne repasserait sur le versant est de notre vallée, en allant au souk Khémiss des Idaou Gnidif. Le Maroc allait devenir indépendant et la Légion avait déjà fait ses valises. « Puisque le passage de la Légion m’avait fait sortir de mon linceul, alors si jamais elle repassait, elle ferait aussi réveiller mon grand-père et le sortir de son linceul ! » Me dis-je en entrant chez nous.

                                         *

Au rez-de-chaussée, l’âne qui ne pense qu’à ça, m’accueillit et me dit : « Amène-moi chez la vache ! Tu verras que je lui ferai un autre petit veau ! Et tu auras beaucoup de lait ! ». Mais lorsque le bourricot me voyait montant l’escalier il cria : « Espèce de raciste ! Tu es comme tous les autres bipèdes !... Pour vous seul le taureau a droit à la vache ! Moi je dois attendre qu’une ânesse passe par ici, dans ce douar paumé ! Sinon je n’ai qu’à sauter dans l’abîme pour pouvoir avoir vite mes ânesses de la seconde vie parce que j’ai bien entendu que même les ânes vont au paradis ! ... ».

-    Sale bête ! Tu n’auras pas ta place au paradis !
-   Mais pourquoi donc ? Qu’est-ce-que j’ai fait de mal ? Je n’ai strictement rien fait ni à la nature, ni aux créatures de Dieu. Je n’ai jamais touché un poil de mes frères !…
-   Pourquoi tu te mets à braire très fort, sale bourricot en me voyant monter ? Je sais que tu m’insultes ! Je suis fâché avec toi ! Dis-je en montant l’escalier de notre maison.

Quelques jours après, j’accompagnai maman voir et prier sur la tombe de feu mon grand-père au cimetière d’Ayoufisse. Dans notre tradition, les femmes doivent attendre un certain temps avant d’aller se recueillir sur le mort. C’était l’endroit le plus fleuri du grand cirque. A l’entrée, de l’herbe roussie et piétinée formait comme un tapis. A l’intérieur, des herbes folles, de « mauvaises et de bonnes herbes » se faufilaient dans les étroites plates-bandes et entre les cailloux. Des abeilles bourdonnaient en cherchant des fleurs dans les quelques buissons d’aubépine.

Envahi par la paix du lieu, j’ouvrais grands les yeux. Je regardais les fleurs et les petits oiseaux qui voltigeaient et chantaient autour des tombes. C’était aussi beau que notre merveilleux verger de Guendir au bord de la rivière.

Avec maman qui avait les yeux constamment fixés sur la tombe de son géniteur, je récitai la fatiha (première sourate du Coran) que je venais d’apprendre par cœur à l’école coranique de Tagadirt.
Un vent souffla. Je reçus de la poussière dans les yeux et dis :
-  Maman ! J’ai reçu un peu de grand-père dans les yeux !... Est-ce-que cette poussière c’est mon grand-père ?
-   Je ne comprends pas ce que tu dis !...
-  Mon oncle, M’hamed, m’a dit lorsque je passais avec lui au milieu du cimetière de Tagadirt que nos grands-parents et nos ancêtres deviennent de la poussière lorsqu’ils sont morts… Et que cette poussière que j’ai dans les yeux c’est peut-être mon grand-père…

-  Je… compr… R’kia s’embrouilla et n’eut pas la force de finir sa phrase. Elle éclata en de terribles sanglots en me serrant contre elle. « Qu’est-ce-que j’ai encore dit pour faire pleurer maman ? » Me demandai-je troublé.
Sur le chemin de retour elle me dit : « Les morts sont poussière maintenant, mais Allah va tous les faire  renaître ! Lorsque nous mourrons nous allons retrouver mon père ! ».

                                         *  
                                                     
Quelques semaines après la mort de mon grand-père, j’accompagnais  ma mère, par une belle après-midi très ensoleillée.  Nous allions chercher l’eau à la source en bas du douar. Sur le sentier très abrupt, des pierres pointues freinaient notre descente. Comme d’habitude, j’étais pieds nus. En haut, il y avait les épines des figuiers de barbarie qui me faisaient mal lorsque ma main les touchait. En bas, les cailloux me piquaient. Le soleil me chauffait la nuque. J’étais encerclé par une nature très méchante.

Nous tournâmes à peine en bas de Tagadirt, au-dessous d’Azrou, que nous fûmes rejoints par deux femmes qui, pressant le pas, arrivèrent vite derrière nous. L’une d’elles lança à l’autre :
-   Tu sais, la vieille Rkia est enceinte !
-  C’est vrai ? Demanda l’autre en s’adressant à ma mère qui souriait.
 -   Oui ! Répondit R’kia qui était un peu essoufflée en raison du poids du lourd récipient d’eau en terre cuite qu’elle portait sur son dos. Pour chercher l’eau, en effet, on se servait des vieilles amphores dont l’origine remontait à l’Antiquité gréco-romaine.

Ainsi, après la souffrance suite au décès de grand-père, vint l’allégresse !  Ma mère enceinte ! Cette nouvelle jeta dans mon cœur d’enfant une inoubliable joie. J’étais fils unique. Mes deux sœurs aînées étaient déjà mariées. Ma dernière petite sœur venait  de mourir ou plus exactement d’être tuée par le charlatanisme tribal béni par le clergé islamique complice.  En pratiquant  la cautérisation (al kayy) on l’avait brûlée au crâne pour de prétendus mauvais signes précurseurs.

Dans tout notre douar, j’étais le seul garçon qui n’avait pas de frère. Mon cousin El Hassane, de même âge, en avait trois bien grands et déjà partis dans le Nord. D’autres enfants avaient jusqu’à quatre frères. Même Addy, dit Boîte-à-clous, en avait un.

Deux avions militaires  français de chasse qui passaient en rase motte dans la vallée firent un tel bruit que je n’entendis pas la suite de l’échange qui se poursuivait entre les deux femmes et ma mère. D’ailleurs, mon énorme et indescriptible joie m’empêchait d’entendre quoi que ce fût d’autre. J’étais obnubilé par l’idée d’avoir un frère, moi aussi.

Le bruit très assourdissant des deux avions semblait crier dans notre majestueuse vallée : « Sauvages en voie de développement ! Nous vous avons bombardés sept ans après l’intronisation de votre grand Sultan Mohamed V ! Nous savons que pour vous le chiffre sept est sacré : Il indique, entre autres le nombre des cieux ! Maintenant trois fois sept ans ou vingt-et-un ans se sont écoulés après notre bombardement ! La leçon a atteint son âge adulte ! La France s’apprête à vous laisser libres avec votre Sultan devenu Roi ! Maintenant vous êtes majeurs ! N’allez plus vous entre tuer dans vos montagnes car même les singes ne le font pas ! ».

Descendant la pente, nous arrivâmes rapidement en bas. A la source, je me demandais  comment a fait mon père pour fabriquer avec maman un enfant alors qu’il n’était resté que quelques jours au bled. En buvant de l’eau de source bien fraîche des mains de ma mère, je me rappelai la récente nuit où je l’ai entendue crier comme une chatte. Je l’entendais malgré le miaulement langoureux et les cris sauvages des chats.

Ses cris étaient amplifiés puis renvoyés par les rocs des montagnes nues. Jalouse, la rocaille refusait les cris en disant : « Toi tu as attendu treize ans et te voici aimée ! Alors que moi j’attends depuis des millions d’années ! Rien ! Walou ! Que le terrible déshabillement, la multiple érosion et l’usure mortelle ! Mes manteaux de terre fertile couverts de merveilleux arbres ont tous été emportés au fond de l’océan ou jetés en microscopiques morceaux dans la plaine après avoir été broyés tel un panaché avec ma faune y compris des êtres humains et leurs ancêtres !  ».

Je me souvins alors avoir entendu d’une grande personne que dans la nuit lorsqu’une chatte miaule jusqu’à crier c’est qu’elle fabrique des petits. « Pauvre maman ! Elle doit avoir beaucoup souffert pour me fabriquer un frère ! » Me dis-je en la suivant sur le chemin très abrupt qui montait de la source à Tagadirt. C’était un véritable escalier avec des marches approximatives. Il ne fallait surtout pas glisser sur cette pente raide avec une lourde amphore pleine d’eau sur le dos portée comme Jésus portait sa croix.

« Maman est très forte ! Peut-être qu’elle va me faire deux garçons en même temps. Des jumeaux. Elle en a eu avant ma naissance, mais ils sont morts et ma tante Zaina vient d’en avoir. » Me dis-je alors que nous arrivions en dessous d’Azrou. Ma mère posa par terre son amphore. Elle se reposa sur une grosse pierre. Peu après, les deux femmes remontèrent de la source visiblement plus essoufflées qu’elle. « Alors ? Qui est vieille ? Moi ou vous deux ? ». Leur lança R’kia tout sourire.

Pour les femmes du douar haut perché, remonter l’eau de la source en bas était parfois perçu comme une corvée, d’autres fois comme une passion. Tel Sisyphe de la merveilleuse mythologie grecque, elles remontaient une masse pesante en haut du mont. Cette masse coulait ensuite vers le bas…Elles repartaient la chercher. Leurs visages qui peinaient  si près des pierres étaient déjà un peu pierre eux-mêmes, surtout lorsqu’elles trouvaient la tâche comme une corvée. Pour certaines chercher l’eau en bas était une activité aussi absurde que pénible.

Mais la nouvelle vie en gestation dans le ventre de maman faisait qu’elle trouvait beaucoup de bonheur dans l’accomplissement de sa tâche.  Elle aurait été une noria qui tournerait, tournerait sans arrêt, si c’était nécessaire à la vie des siens et des autres.
  
                                   *

Plus d’un mois après, Ahmed, mon père, profitant de l’amélioration des transports et des routes, revint passer quelques jours de repos au bled. Comme d’habitude il n’arrivait pas les mains vides. Il découvrit avec une immense joie qu’il avait  fait un huitième enfant à ma mère lors de sa dernière brève visite.

Dans le ventre de maman, le bébé en gestation était à sa septième semaine. La semaine de la naissance du cerveau. Une mythologie têtue du chiffre sept. Cependant, on ne pouvait, à cette époque-là, déterminer le sexe du fœtus avant la naissance. On savait que le nouveau-né mesurait moins de dix centimètres et qu’il avait déjà traversé six étapes : L’ovulation, la fécondation, l’implantation de l’œuf, le cordon ombilical, le tube neural et les premiers battements du cœur.

Le géniteur, papa, arriva donc durant la septième étape du développement du fœtus qui est celle de la formation du cerveau ! Le cœur du nouvel être battait déjà dans le ventre de maman. Le plaisir de  sentir les battements balaya la fatigue du voyage du père tout comme la joie efface les traces de la douleur.

La grande joie d’Ahmed et l’immense amour de la mère allaient contribuer au bon développement physique et surtout mental de ce dernier bébé de R’kia. Il deviendra un garçon exceptionnel et nettement au-dessus de la moyenne de tous ses contemporains marocains. Il me donnera les plus belles leçons de ma vie.

-   J’espère que ce sera un garçon. Je vais emmener Saïd avec moi à Marrakech où je vais m’installer car Meknès est trop loin. Si tu as un garçon, je vais te prendre avec lui et nous vivrons tous les quatre dans la ville ocre. Dit mon père tout joyeux et d’une voix calme.

-   Et si maman a deux garçons qu’est-ce-que tu ferais ? Demandai-je à mon géniteur avec un air malin.

-   Si Rkia a des jumeaux je lui achèterais une voiture et lui prendrais deux bonnes. Dit papa en riant et en sachant qu’il a bien vécu plus ou moins heureux sans voiture et sans bonne ni serviteur. Autrement dit avec grande modestie et sans exploiter personne.
Quelques jours après, de bon matin et alors que le soleil commençait à peine à darder ses rayons sur le faîte enchanteur des montagnes de l’est, nous quittâmes Tagadirt. Ahmed promit à R’kia de revenir pour la prendre avec lui à Marrakech, l’eldorado du nord.

-  Ne disparais pas avec Saïd ! Reviens vite ! Dit-elle la gorge serrée et sur le point d’éclater en sanglots.
-  Je vais revenir vite ! Répondit-il avec un regard qui l’absolvait en lui lâchant la main.

Mes parents se cachaient toujours pour s’aimer. Devant moi comme devant tous les autres, ils jouaient à la plus totale indifférence mutuelle. Ils étaient pareils à des frères et sœurs...

Elle lui donna des clous de girofle pour son mal de dents, lui baisa la main et alla se cacher pour pleurer librement et tranquillement. Moi, j’étais tout émerveillé par des espadrilles toutes neuves que papa m’avait apportées de la ville et surtout par mon immigration vers Marrakech, la ville ocre.

Cachée à la maison, maman attendait que nous fussions assez loin pour faire éclater une douleur dont l’intensité était proche de celle qu’elle vécut quelques années auparavant lorsqu’on me mettait dans un linceul croyant que j’étais vraiment mort.
  
Chaque fois que quelqu’un sortait du douar de Tagadirt pour prendre le chemin vers le lointain nord, derrière le Grand Atlas, c’était comme si on l’enterrait car beaucoup de gens ne revenaient plus jamais. Plusieurs tacots étaient tombés dans le grand canyon. Il n’y avait jamais eu de survivant.

La séparation était douloureuse. Toujours des larmes, beaucoup de larmes.  Il n’y avait toujours pas de bureau de poste au souk Khémis des Idaou Gnidif. Partir donc c’était mourir un peu ou pire disparaître longtemps entre vie et mort.


            Sur la route de Kech, rêve du paradis

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      Joyeux Réveillon  !    à toutes et à tous ! 
         Que Dieu Infini et Amour  vous garde 
           et vous donne santé et bonheur ! 
                 Il vous autorise à boire 
                   un verre à condition 
                      de l'acheter chez 
                            Victoria !

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