Le douar Tagadirt est juste perché au dessus du rocher à gauche
A l'occasion de cette autre fin d'année (2018), je vous offre un extrait de mon roman "La blessure des clous de girofle" qui sortira prochainement.(On m'a dit en France que c'est un beau livre mais trop marocain ! d'où ce retard)
Je suis malheureux car je viens de perdre malencontreusement deux autres manuscrits: Culottes fatales et djihad du camembert et Mac Rond au carré mecquois !!!!!
Mort de grand-père, mère enceinte
Je suis malheureux car je viens de perdre malencontreusement deux autres manuscrits: Culottes fatales et djihad du camembert et Mac Rond au carré mecquois !!!!!
Mort de grand-père, mère enceinte
...Je me trouvais
donc caché dans un coin du salon où mon grand-père venait de passer l’arme à
gauche. Cependant, je ne savais toujours pas ce que voulait dire mourir.
J’attendais donc que le géniteur de ma mère se réveillât de son sommeil.
Pour faire la
tahara (la purification), l’imam avait déshabillée le mort. Je voyais son zizi
debout comme un petit bâton. L’imam prit l’organe en érection entre ses mains
en répétant « Tbarek Allah ! Tbarek Allah ! » (Quel don
d’Allah ! Quel don d’Allah !). Il le lava seul. Me tournant le dos,
il se pencha dessus. Je ne voyais pas ce qu’il faisait. Il me semblait qu’il
récitait le Coran. Mais les cris venant de derrière la porte du salon
m’empêchaient d’entendre le religieux. Je me contentais donc de voir ce qu’il
faisait face à mon grand-père complètement nu et inerte.
L’imam semblait
ne s’intéresser qu’au phallus du défunt. Il le lava puis le regarda debout
comme le serpent que ma mère a tué à Tagadirt. Je regardais autour de l’homme.
Il n’y avait pas de bâton. « L’imam va-t-il tuer, lui aussi, le serpent à
coup de bâton ? » Me demandai-je avec un sentiment de profonde pitié
pour mon grand-père dont le zizi était devenu pareil à un serpent.
J’étais bien
silencieux dans ma cachette jusqu’au moment où je vis la tortue de mon oncle
maternel aîné Lyazid sentir mes pieds nus. Je crus qu’elle allait me mordre et je
fis un brusque mouvement de recul. L’imam m’entendit. Vite, il laissa le
cadavre et accourut vers moi.
- Un crapaud ! Un gros crapaud !
Criai-je pour tenter de détourner son attention et de fuir dehors. Mais il
m’attrapa juste à l’instant où j’allai ouvrir la porte et sortir du salon.
Avec ses grosses
mains plébéiennes, il me saisit. Je reçus deux puissantes gifles si fortes que
je vis briller d’innombrables étoiles
sans lever la tête. Deux autres gifles me firent voir un trou noir avec des
éclairs. Ce fut pire que des décharges électriques de grand voltage. Ce fut
presque aussi douloureux que la faucille chauffée à blanc sur ma tête. L'imam me poussa dehors avec un coup de pieds
comme notre âne savait en donner. Je n’avais encore vu que la lune. Ce fut la
première fois de ma vie que je vis, à côté du cadavre de mon grand-père, des
étoiles très lumineuses et douloureuses.
« Mais
qu’est-ce-que j’ai fait pour que les imams me frappent ? Celui de Tagadirt
m’a torturé et m’a brûlé à la tête. Celui d’Ayoufisse m’a fait voir des étoiles
avec ses gifles ! ». Me dis-je en poursuivant en retrait, le cortège
de l’enterrement qui allait d’abord à la mosquée du douar pour la prière de
l’absent.
Dans la foule,
le cadet de mes oncles maternels nommé
Moh, attirait l’attention presque autant que son défunt père. C’était un fugitif qui s’était
enfui de la prison des Français à Ait Baha. Il avait été arrêté avec quatre
fusils à percussion et à poudre achetés à Taroudant et cachés dans la selle de
sa jument. Le petit tribunal militaire expéditif français d’Agadir le condamna, au bout d’un simulacre de procès,
à deux ans de prison ferme.
Enfermé au
petit pénitencier des Ait Baha, il put
s’en échapper au bout d’une dizaine de jours de captivité.. Au début, il
passait ses nuits dans des grottes et ses jours au sommet du mont Maaden et des
autres montagnes. Il savait que les autorités coloniales avaient des
indicateurs et des mouchards dans tous les douars. Sur les hauteurs, il
surveillait tous les alentours. On lui remontait à manger.
Une bonne heure
et demie après, mon grand-père était dans sa tombe rapidement sans bière et
sans fleurs, après le transit par la mosquée du douar et la très brève prière
collective. Il n’y eut même pas une pincée de ces fleurs avortées que sont les
clous de girofle. Il reçut des mottes de glaise au visage voilé. Il ouvrit la
bouche pour crier : « Mais que faites-vous mes
enfants chéris ? Les Français m’ont seulement blessé et vous, vous me
couvrez de terre comme un chat couvre ses excréments ! Vous êtes beaucoup
plus méchants que l’armée française ! Enterrer est pire que
bombarder ! ». Les mottes de terre l’empêchèrent de continuer à
parler. De toute façon personne ne l’entendait ni ne l’écoutait. Grand-père
disparut à jamais dans la tranchée boueuse.
Lorsque
j’entendis que Moh, mon oncle maternel, le fugitif, était sur le mont Maaden,
je me dépêchai de lui demander :
- Est-ce-que tu as vu Allah sur la
montagne ?
- Non, mais il était venu m’aider à m’échapper
de la prison des Français à Ait Baha…
- Tu l’as donc laissé à la prison des
Français ?
- Qui ?...
- Mais
Allah qui t’a libéré !
- Va te cacher,
Moh ! Sauve-toi ! Car il y a beaucoup de mouchards ici ! Lui
lança mon oncle qui était venu de Tagadirt, notre douar, pour assister à
l’enterrement de mon grand-père. Je le
rencontrai à la sortie du cimetière où, tout comme dans les mariages, ont
chassait les enfants de mon âge. Je lui demandai :
- Tonton ! Est-ce-que mon grand-père
reviendrait en vie si les Français repassaient
sur le versant de la montagne en face de Tagadirt comme moi je suis redevenu
vivant à leur passage ?
- Bien sûr ! Mon petit ! Lorsque la
Légion française repassera tu verras ton
grand-papa ! Me dit mon oncle d’une voix inhabituellement triste
après un instant de silence qui suivit un geste de lassitude.
Je ne savais
pas que jamais plus la Légion Étrangère Française ne repasserait sur le versant
est de notre vallée, en allant au souk Khémiss des Idaou Gnidif. Le Maroc allait devenir
indépendant et la Légion avait déjà fait ses valises. « Puisque le passage
de la Légion m’avait fait sortir de mon linceul, alors si jamais elle
repassait, elle ferait aussi réveiller mon grand-père et le sortir de son
linceul ! » Me dis-je en entrant chez nous.
*
Au
rez-de-chaussée, l’âne qui ne pense qu’à ça, m’accueillit et me
dit : « Amène-moi chez la vache ! Tu verras que je lui
ferai un autre petit veau ! Et tu auras beaucoup de lait ! ».
Mais lorsque le bourricot me voyait montant l’escalier il
cria : « Espèce de raciste ! Tu es comme tous les autres
bipèdes !... Pour vous seul le taureau a droit à la vache ! Moi je
dois attendre qu’une ânesse passe par ici, dans ce douar paumé ! Sinon je
n’ai qu’à sauter dans l’abîme pour pouvoir avoir vite mes ânesses de la seconde vie parce que j’ai
bien entendu que même les ânes vont au paradis ! ... ».
- Sale bête ! Tu n’auras pas ta place au
paradis !
- Mais pourquoi donc ? Qu’est-ce-que j’ai
fait de mal ? Je n’ai strictement rien fait ni à la nature, ni aux
créatures de Dieu. Je n’ai jamais touché un poil de mes frères !…
- Pourquoi tu te mets à braire très fort, sale
bourricot en me voyant monter ? Je sais que tu m’insultes ! Je suis
fâché avec toi ! Dis-je en montant l’escalier de notre maison.
Quelques jours
après, j’accompagnai maman voir et prier sur la tombe de feu mon grand-père au
cimetière d’Ayoufisse. Dans notre tradition, les femmes doivent attendre un
certain temps avant d’aller se recueillir sur le mort. C’était l’endroit le
plus fleuri du grand cirque. A l’entrée, de l’herbe roussie et piétinée formait
comme un tapis. A l’intérieur, des herbes folles, de « mauvaises et de
bonnes herbes » se faufilaient dans les étroites plates-bandes et entre
les cailloux. Des abeilles bourdonnaient en cherchant des fleurs dans les
quelques buissons d’aubépine.
Envahi par la
paix du lieu, j’ouvrais grands les yeux. Je regardais les fleurs et les petits
oiseaux qui voltigeaient et chantaient autour des tombes. C’était aussi beau
que notre merveilleux verger de Guendir au bord de la rivière.
Avec maman qui
avait les yeux constamment fixés sur la tombe de son géniteur, je récitai la
fatiha (première sourate du Coran) que je venais d’apprendre par cœur à l’école
coranique de Tagadirt.
Un vent
souffla. Je reçus de la poussière dans les yeux et dis :
- Maman ! J’ai reçu un peu de grand-père
dans les yeux !... Est-ce-que cette poussière c’est mon grand-père ?
- Je ne comprends pas ce que tu dis !...
- Mon oncle, M’hamed, m’a dit lorsque je
passais avec lui au milieu du cimetière de Tagadirt que nos grands-parents et
nos ancêtres deviennent de la poussière lorsqu’ils sont morts… Et que cette
poussière que j’ai dans les yeux c’est peut-être mon grand-père…
- Je… compr… R’kia s’embrouilla et n’eut pas la
force de finir sa phrase. Elle éclata en de terribles sanglots en me serrant
contre elle. « Qu’est-ce-que j’ai encore dit pour faire pleurer
maman ? » Me demandai-je troublé.
Sur le chemin
de retour elle me dit : « Les morts sont poussière
maintenant, mais Allah va tous les faire renaître ! Lorsque nous mourrons nous allons retrouver mon
père ! ».
*
Quelques semaines
après la mort de mon grand-père, j’accompagnais ma mère, par une belle après-midi très
ensoleillée. Nous allions chercher l’eau
à la source en bas du douar. Sur le sentier très abrupt, des pierres pointues
freinaient notre descente. Comme d’habitude, j’étais pieds nus. En haut, il y
avait les épines des figuiers de barbarie qui me faisaient mal lorsque ma main
les touchait. En bas, les cailloux me piquaient. Le soleil me chauffait la
nuque. J’étais encerclé par une nature très méchante.
Nous tournâmes
à peine en bas de Tagadirt, au-dessous d’Azrou, que nous fûmes rejoints par
deux femmes qui, pressant le pas, arrivèrent vite derrière nous. L’une d’elles
lança à l’autre :
- Tu sais, la vieille Rkia est enceinte !
- C’est
vrai ? Demanda l’autre en s’adressant à ma mère qui souriait.
Ainsi, après la souffrance suite au décès de grand-père, vint
l’allégresse ! Ma mère
enceinte ! Cette nouvelle jeta dans mon cœur d’enfant une inoubliable
joie. J’étais fils unique. Mes deux sœurs aînées étaient déjà mariées. Ma
dernière petite sœur venait de mourir ou
plus exactement d’être tuée par le charlatanisme tribal béni par le clergé
islamique complice. En pratiquant la cautérisation (al kayy) on l’avait brûlée
au crâne pour de prétendus mauvais signes précurseurs.
Dans tout notre
douar, j’étais le seul garçon qui n’avait pas de frère. Mon cousin El Hassane,
de même âge, en avait trois bien grands et déjà partis dans le Nord. D’autres
enfants avaient jusqu’à quatre frères. Même Addy, dit Boîte-à-clous, en avait
un.
Deux avions
militaires français de chasse qui
passaient en rase motte dans la vallée firent un tel bruit que je n’entendis
pas la suite de l’échange qui se poursuivait entre les deux femmes et ma mère.
D’ailleurs, mon énorme et indescriptible joie m’empêchait d’entendre quoi que
ce fût d’autre. J’étais obnubilé par l’idée d’avoir un frère, moi aussi.
Le bruit très
assourdissant des deux avions semblait crier dans notre majestueuse
vallée : « Sauvages en voie de développement ! Nous vous avons
bombardés sept ans après l’intronisation de votre grand Sultan Mohamed V !
Nous savons que pour vous le chiffre sept est sacré : Il indique, entre
autres le nombre des cieux ! Maintenant trois fois sept ans ou vingt-et-un
ans se sont écoulés après notre bombardement ! La leçon a atteint son âge
adulte ! La France s’apprête à vous laisser libres avec votre Sultan
devenu Roi ! Maintenant vous êtes majeurs ! N’allez plus vous entre tuer dans vos montagnes car même les singes ne le font pas ! ».
Descendant la
pente, nous arrivâmes rapidement en bas. A la source, je me demandais comment a fait mon père pour fabriquer avec
maman un enfant alors qu’il n’était resté que quelques jours au bled. En buvant
de l’eau de source bien fraîche des mains de ma mère, je me rappelai la récente
nuit où je l’ai entendue crier comme une chatte. Je l’entendais malgré le
miaulement langoureux et les cris sauvages des chats.
Ses cris
étaient amplifiés puis renvoyés par les rocs des montagnes nues. Jalouse, la
rocaille refusait les cris en disant : « Toi tu as attendu
treize ans et te voici aimée ! Alors que moi j’attends depuis des millions
d’années ! Rien ! Walou ! Que le terrible déshabillement, la
multiple érosion et l’usure mortelle ! Mes manteaux de terre fertile
couverts de merveilleux arbres ont tous été emportés au fond de l’océan ou
jetés en microscopiques morceaux dans la plaine après avoir été broyés tel un
panaché avec ma faune y compris des êtres humains et leurs ancêtres ! ».
Je me souvins
alors avoir entendu d’une grande personne que dans la nuit lorsqu’une chatte
miaule jusqu’à crier c’est qu’elle fabrique des petits. « Pauvre
maman ! Elle doit avoir beaucoup souffert pour me fabriquer un
frère ! » Me dis-je en la suivant sur le chemin très abrupt qui
montait de la source à Tagadirt. C’était un véritable escalier avec des marches
approximatives. Il ne fallait surtout pas glisser sur cette pente raide avec
une lourde amphore pleine d’eau sur le dos portée comme Jésus portait sa croix.
« Maman
est très forte ! Peut-être qu’elle va me faire deux garçons en même temps.
Des jumeaux. Elle en a eu avant ma naissance, mais ils sont morts et ma tante
Zaina vient d’en avoir. » Me dis-je alors que nous arrivions en dessous
d’Azrou. Ma mère posa par terre son amphore. Elle se reposa sur une grosse
pierre. Peu après, les deux femmes remontèrent de la source visiblement plus
essoufflées qu’elle. « Alors ? Qui est vieille ? Moi ou vous
deux ? ». Leur lança R’kia tout sourire.
Pour les femmes
du douar haut perché, remonter l’eau de la source en bas était parfois perçu
comme une corvée, d’autres fois comme une passion. Tel Sisyphe de la
merveilleuse mythologie grecque, elles remontaient une masse pesante en haut du
mont. Cette masse coulait ensuite vers le bas…Elles repartaient la chercher.
Leurs visages qui peinaient si près des
pierres étaient déjà un peu pierre eux-mêmes, surtout lorsqu’elles trouvaient
la tâche comme une corvée. Pour certaines chercher l’eau en bas était une
activité aussi absurde que pénible.
Mais la
nouvelle vie en gestation dans le ventre de maman faisait qu’elle trouvait
beaucoup de bonheur dans l’accomplissement de sa tâche. Elle aurait été une noria qui tournerait,
tournerait sans arrêt, si c’était nécessaire à la vie des siens et des autres.
*
Plus d’un mois
après, Ahmed, mon père, profitant de l’amélioration des transports et des
routes, revint passer quelques jours de repos au bled. Comme d’habitude il
n’arrivait pas les mains vides. Il découvrit avec une immense joie qu’il
avait fait un huitième enfant à ma mère
lors de sa dernière brève visite.
Dans le ventre
de maman, le bébé en gestation était à sa septième semaine. La semaine de la
naissance du cerveau. Une mythologie têtue du chiffre sept. Cependant, on ne
pouvait, à cette époque-là, déterminer le sexe du fœtus avant la naissance. On
savait que le nouveau-né mesurait moins de dix centimètres et qu’il avait déjà
traversé six étapes : L’ovulation, la fécondation, l’implantation de
l’œuf, le cordon ombilical, le tube neural et les premiers battements du cœur.
Le géniteur,
papa, arriva donc durant la septième étape du développement du fœtus qui est
celle de la formation du cerveau ! Le cœur du nouvel être battait déjà
dans le ventre de maman. Le plaisir de
sentir les battements balaya la fatigue du voyage du père tout comme la
joie efface les traces de la douleur.
La grande joie
d’Ahmed et l’immense amour de la mère allaient contribuer au bon développement
physique et surtout mental de ce dernier bébé de R’kia. Il deviendra un garçon
exceptionnel et nettement au-dessus de la moyenne de tous ses contemporains
marocains. Il me donnera les plus belles leçons de ma vie.
- J’espère que ce sera un garçon. Je vais
emmener Saïd avec moi à Marrakech où je vais m’installer car Meknès est trop
loin. Si tu as un garçon, je vais te prendre avec lui et nous vivrons tous les
quatre dans la ville ocre. Dit mon père tout joyeux et d’une voix calme.
- Et si maman a deux garçons qu’est-ce-que tu
ferais ? Demandai-je à mon géniteur avec un air malin.
- Si Rkia a des jumeaux je lui achèterais une
voiture et lui prendrais deux bonnes. Dit papa en riant et en sachant qu’il a
bien vécu plus ou moins heureux sans voiture et sans bonne ni serviteur.
Autrement dit avec grande modestie et sans exploiter personne.
Quelques jours
après, de bon matin et alors que le soleil commençait à peine à darder ses
rayons sur le faîte enchanteur des montagnes de l’est, nous quittâmes Tagadirt.
Ahmed promit à R’kia de revenir pour la prendre avec lui à Marrakech,
l’eldorado du nord.
- Ne disparais pas avec Saïd ! Reviens
vite ! Dit-elle la gorge serrée et sur le point d’éclater en sanglots.
- Je vais revenir vite ! Répondit-il avec
un regard qui l’absolvait en lui lâchant la main.
Mes parents se
cachaient toujours pour s’aimer. Devant moi comme devant tous les autres, ils
jouaient à la plus totale indifférence mutuelle. Ils étaient pareils à des
frères et sœurs...
Elle lui donna
des clous de girofle pour son mal de dents, lui baisa la main et alla se cacher
pour pleurer librement et tranquillement. Moi, j’étais tout émerveillé par des
espadrilles toutes neuves que papa m’avait apportées de la ville et surtout par
mon immigration vers Marrakech, la ville ocre.
Cachée à la
maison, maman attendait que nous fussions assez loin pour faire éclater une
douleur dont l’intensité était proche de celle qu’elle vécut quelques années
auparavant lorsqu’on me mettait dans un linceul croyant que j’étais vraiment
mort.
Chaque fois que
quelqu’un sortait du douar de Tagadirt pour prendre le chemin vers le lointain
nord, derrière le Grand Atlas, c’était comme si on l’enterrait car beaucoup de
gens ne revenaient plus jamais. Plusieurs tacots étaient tombés dans le grand
canyon. Il n’y avait jamais eu de survivant.
La séparation
était douloureuse. Toujours des larmes, beaucoup de larmes. Il n’y avait toujours pas de bureau de poste
au souk Khémis des Idaou Gnidif. Partir donc c’était mourir un peu ou pire
disparaître longtemps entre vie et mort.
Sur la route de Kech, rêve du paradis
Joyeux Réveillon ! à toutes et à tous !
Que Dieu Infini et Amour vous garde
et vous donne santé et bonheur !
Il vous autorise à boire
un verre à condition
de l'acheter chez
Victoria !
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