samedi 20 janvier 2018

Histoire: Il était une fois Lyautey, le Maréchal marocain

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Pour saluer l'actuel 4ème congrès du PSU, voici un article de mon ami Ahmed Ferrai grand militant de ce parti :

J'ai choisi cet article d'Omar Saghi sur le maréchal Lyautey et sa place dans la mémoire marocaine , parce que Lyautey tout le monde connait mais personne n'en parle , ou en parle discrètement ou dans des groupes fermés de mecs !
Tout le monde connaît la citation de Clémenceau à l'hommage de Lyautey :« Ça,c'est un homme courageux, qui a des couilles au cul. Dommage que ce ne soit pas souvent les siennes »
on raconte que c'est lui qui a choisi la ville Rabat comme capital ...qu'il a écarté les uns pour placer d'autres .......
Après sa mort, sa dépouille a été inhumée à Rabat dans un mausolée à sa demande, un mur entier de la salle mortuaire étant occupé par l’épitaphe composée par lui-même avec une traduction en langue arabe et qui résume sa vision : « Ici, repose Louis Hubert Lyautey, qui fut le premier Résident Général du Maroc, de 1912 à 1925. Décédé dans la foi catholique, dont il reçut, en pleine foi, les derniers sacrements. Profondément respectueux des traditions ancestrales et de la religion gardées et pratiquées par les habitants du Maghreb auprès desquels il a voulu reposer, en cette terre qu’il a tant aimée. Dieu ait son âme dans la vie éternelle ». Depuis 1961 à la demande du général de Gaulle qui voulait éviter que son mausolée à Rabat soit profané ;elle repose dans la chapelle de l’hôtel des Invalides, à Paris. L’inscription suivante est gravée sur son tombeau : « Être de ceux auxquels les hommes croient ; dans les yeux desquels des milliers d’yeux cherchent l’ordre ; à la voix desquels des routes s’ouvrent, des pays se peuplent, des villes surgissent ».
la statue équestre du Maréchal elle aussi a été déplacé de la place Mohamed V de Casablanca ou il trônait comme le maître pour ne pas dire le père après les manifestations des Casablancais de 1965 vers le consulat de France à Casablanca . ceux qui veulent la voir peuvent passer derrière le consulat et en apercevoir une partie à travers le grillage ....Oui il est toujours là sidna ou sidkoume Moulay lyautey !
Lyautey ( Wikipédia )va jusqu'à porter une attention méticuleuse à recréer la dignité du sultan Moulay Youssef, mise à mal par ses prédécesseurs : « J'ai écarté soigneusement de lui toutes les promiscuités européennes, les automobiles et les dîners au champagne. Je l'ai entouré de vieux Marocains rituels. Son tempérament de bon musulman et d'honnête homme a fait le reste. Il a restauré la grande prière du vendredi, avec le cérémonial antique.... Il a célébré les fêtes de l'Aïd el-Seghir avec une pompe et un respect des traditions inconnus ... »
Bonne lecture
LYAUTEY FANTÔME AMBIGU
Omar Saghi
La place du maréchal Lyautey dans la mémoire marocaine est étrange : il n’est pas complètement honni, comme tout colonialiste conquérant devrait l’être, mais il n’est pas accepté comme toute figure historique doit l’être, d’une manière neutre. Son fantôme ne cesse de hanter le verso des pages d’histoire, comme si on ne savait que faire de ce personnage. Peut-être que la clé de ce mystère réside dans un honteux secret de famille : Lyautey est important dans la mesure où le Maroc n’a cessé, depuis, d’être “lyautéen”, et qu’à défaut de l’avouer franchement, on s’échine sans cesse à brouiller la réalité de cet héritage
inconfortable.
Quelques exemples : les faux ministres et les vrais conseillers, ceux qui ont un pouvoir de façade, légitimé par l’idéologie du moment (les élections par exemple), et ceux qui tiennent la technostructure ; la crème de l’innovation capitaliste et l’archaïsme économique, comme la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, et la dépendance de l’économie à la pluviométrie ; les traditions honorées et l’ouverture à l’Occident… La liste est longue, c’est même un jeu amusant de la poursuivre, tant les exemples sont nombreux, et sans cesse renouvelés. Nos politiques publiques croient innover quand elles ne font que poursuivre ce dualisme vieux d’un siècle. Voilà le fondement de l’héritage de Lyautey, ce “mal-développement” marocain, pourtant ambivalent, car il a malgré tout préservé le pays des errements autoritaristes des voisins, sans réussir à l’arracher à la pauvreté. La culture politique marocaine, ce mélange de styles, de gestuelles, de manières de parler et de se taire, date, pour l’essentiel, de ces premières années du protectorat, où un alliage étrange se produisit entre un fonds local et des fantasmes ramenés par Lyautey et son entourage. Hubert Lyautey est-il donc un Lawrence d’Arabie qui aurait réussi ? Pas tout à fait, puisque sa place dans l’historiographie marocaine reste indécise.
Dans “Maîtres et disciples”, l’anthropologue Abdellah Hammoudi faisait un rapprochement riche d’enseignements entre le statut de “Résident” qu’avait le maréchal et la notion toute marocaine de “meskoun”, d’“habité”, comme on dit d’une maison qu’elle est possédée, ensorcelée. Filons la mé- taphore : Lyautey le “sâkin”, le Résident, cela signifie que le Maroc est “meskoun”, “habité”, tourmenté par un fantôme, son fantôme, ou, plus exactement, par le fantôme de son passé colonial. Car ce passé n’est pas simple : la violence de la prise de pouvoir française a été cachée, refoulée, à la différence d’autres pays. Les guerres de “pacification”, les spoliations de terres et les refoulements de populations se mélangèrent incestueusement avec la sauvegarde des institutions, un minimum de respect pour l’histoire et l’identité locales. Lyautey était ambigu, mais le Maroc l’est encore plus. Lorsqu’on se penche attentivement sur l’histoire de la décolonisation, on a l’impression qu’en 1956, le Maroc ne fermait pas la parenthèse ouverte en 1912, mais celle ouverte en 1925 par le départ de Lyautey et le début d’une “algérianisation” rampante du Maroc, d’une colonisation plus franche. Comme si, en 1956, en revenant à “l’indépendance dans l’interdépendance”, on ne faisait que réinstaurer le régime de Lyautey, qui, depuis, d’une certaine manière, continue de “hanter” la politique marocaine, son style hyper-conservateur et ultra-occidentalisé, ses choix schizophréniques de surdéveloppement et de misère, et ses dualismes permanents.

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