mardi 30 juin 2020

Le Maroc va faire 1 saut de grenouille ? par Abdeslam Seddiki

Vector illustration de caricature le prince grenouille Vecteurs Et ...
La stratégie du « leapfrog » (saut de la grenouille)
Par Abdeslam Seddiki, docteur en économie, ex ministre du travail et des affaires sociales du Maroc.

La stratégie du leapfrog, ou stratégie du saut de la grenouille, est celle qui a été retenue par l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) pour qualifier le nouveau modèle de développement tel qu’il a été soumis à la CSMD fin février dernier. Le document vient d’être rendu public sur le site officiel de l’Institut sous le titre « vers un nouveau modèle de développement, rapport stratégique 2019-2020 ». La référence au saut de la grenouille, sur laquelle on reviendra ci-dessous, se justifierait par le souci pour le Maroc de rattraper les pays développés. Ce qui nécessite de raccourcir le chemin quitte à brûler les étapes.

Le point de départ de cette réflexion stratégique, qui contribuera à coup sûr à alimenter en idées et en propositions la Commission chargée d’élaborer le nouveau modèle de développement, est la vision royale telle qu’elle se dégage dans les différents discours et messages prononcés par le Souverain depuis notamment 1917. Bien sûr, le pays a enregistré des avancées sur plusieurs domaines : cohésion sociale, capital relationnel y compris sur le plan international, réconciliation des Marocains avec leur passé et leur mémoire collective, des stratégies sectorielles, développement des infrastructures, transition énergétique en cours…Mais il a connu aussi des insuffisances au niveau de la gouvernance, de la dégradation du capital naturel, de la qualité de son capital humain et des inégalités multiformes. Par conséquent, le NMD proposé vise à valoriser les premières et à corriger les secondes.

Pour ce faire, et en adoptant la définition du modèle de développement de l’ONU en tant que « schéma à suivre afin de promouvoir le progrès d’un peuple… et cadre de référence pour ceux à qui il appartient d’élaborer les politiques publiques » l’IRES, décline ses propositions sous forme de quatre piliers : la place de l’humain au cœur du développement ; le rapport de l’homme à la nature ; la planétarisation à savoir la convergence du local et du mondial dans une perspective nouvelle de « glocalisation » ; « l’exponentialité » à travers une optimisation digitale. Chacun de ces piliers est traité en quatre temps : compréhension, anticipation, paradigme et vision, propositions. Le tout est présenté dans un format marketing rendant le texte facile à digérer, un texte aéré par des illustrations, des encadrés et des références aux « best practices ». Intéressons-nous au côté propositions.

Ainsi au niveau du premier pilier, il est question d’une économie humaine avec notamment le développement des services de soins à domicile, entrepreneuriat social, d’une formation des jeunes pour les préparer au futur et en faire des citoyens responsables, mais aussi d’une formation des enseignants et des adultes. Il est question également de la réduction drastique des inégalités et de l’aménagement des espaces publics en rendant la ville plus humaine pour ses habitants et en éradiquant l’habitat non réglementé ou clandestin.

Au niveau du deuxième pilier, on retiendra la nécessité de régénérer les ressources fortement dégradées telles que les sols, les eaux, les forêts, les richesses halieutiques, la promotion d’une agriculture dite climato intelligente, et la valorisation des ressources écosystémiques rendues par la nature.

Au niveau du troisième pilier, l’accent est mis sur la le renforcement du développement territorial (en accélérant la décentralisation et en mettant en place une politique foncière dynamique), l’internationalisation de la connaissance (disséminer la connaissance mondiale), le développement de l’intégration régionale en particulier avec l’Afrique.
Au niveau du quatrième et dernier pilier, il est préconisé d’assurer la transformation structurelle de l’économie marocaine par le biais d’une industrialisation et de réussir la transition vers les valeurs ajoutées du futur (digitalisation avancée, intelligence artificielle) tout en plaidant pour une agriculture durable moins prédatrice et plus intensive écologiquement.

Pour réussir ce projet, il faut miser sur l’humain et l’innovation en s’engageant résolument dans un développement endogène et mesuré qui mettrait fin à « l’économie de la prédation ». Il faut également une nouvelle gouvernance basée sur le principe de l’honnêteté, l’agilité dans l’action, l’égalité de traitement, l’ouverture d’esprit…

Enfin, la contribution de l’Institut nous invite à réfléchir sur cette question centrale : faudrait-il absolument rattraper les pays développés et à quel horizon ou vaudrait-il mieux concevoir notre modèle de développement différemment sans être obnubilés par ce « complexe » de rattrapage ? Par ailleurs, s’il fallait absolument employer un langage animal pour qualifier les sauts que le Maroc devrait accomplir, il vaudrait mieux, de notre point de vue prendre l’exemple de la gazelle. Celle-ci associe à la fois élégance et rapidité.
(Publié le 30 juin 2020.)
M996.10.728 | Une grenouille fumeuse | Dessin, caricature | Serge ...

Saïd LEMLIH: Ce langage animal démasque la réalité de l'engrenage actuel du Maroc: Face aux corbeaux islamistes, il y a des monstres ailés qui imaginent le royaume comme une grenouille qui saute. Sauter dans l'océan des Ténèbres ou sauter vers un désert inhospitalier ? En attendant de sauter, l'animal avale... Moi ça me rappelle le crapaud que j'ai tué à l'âge de 5 ans et que je raconte ci-dessous dans un de mes romans autobiographiques en instance d'édition à Paris:
  Satire De Londres British Caricature Illustrations Cartoon Bd ...    

Un amphibien  se tenait immobile et fière sur une pierre du muret en face de notre porte. Je vis son énorme bouche qui allait d’un coté à l’autre en traversant toute la face, et son museau arrondi. Il avait une peau rugueuse couverte de pustules. J’attendais qu’il coassât. Mais rien ! Pas un mot ! Alors je me dis que l’animal pensait. Sa tête dessinait une sorte de « v » provocateur. Ses yeux et son museau  faisaient de sa grande bouche le « ba » et le « ta », ces premières lettres de l’alphabet arabe.

-   Dis-moi ô grande gueule ! Pourquoi je suis ici dans ce douar paumé ? D’où je viens ? Où vais-je ? Pourquoi la souffrance et pourquoi la misère et la laideur ? Aurais-je pu demander à la bête.

Celle-ci tourna ses prunelles mais resta bouche  cousue. J’attendais qu’elle coassât. Je tenais toujours le caillou des ablutions. Il était plus grand que le crapaud. Le tenant au-dessus de lui, j’attendais un moment qui me semblait très long. La bête déplaça ses yeux une autre fois, mais elle ne vit pas le caillou et resta silencieuse.

-   Lorsqu’on a une grosse gueule, il ne faut pas la fermer ! C’est une provocation ! Au moins coasse ! Ta raison d’être est bien de manger – plutôt d’avaler car tu es sans dents – de manger plus petit que toi, insectes et limaces et de coasser ! Même si tu as les yeux sur la tête, tu ne regardes jamais qu’horizontalement, jamais en haut ! Criai-je à l’animal.

Le batracien bougea. Mais c’était pour mieux s’asseoir et avoir son gros ventre contre la pierre. Il étendit ses pattes courtes à gauche et à droite. L’animal avait tout l’air d’un charmant prince du Capital, d’un chef de parti, d’un ministre, d’un président de région, d’un wali  ou d’un super caïd métamorphosé  en crapaud. Il ne lui manquait que le fauteuil.

-   Ramasse tes pattes et coasse ! Sale pouffiasse ! Criai-je en colère face à la bête suicidaire au sang-froid. Vraiment bien froid. Elle semblait me crier : « Vas y tue-moi ! J’en ai assez de manger plus petit que moi ! Assez de cet ennuyeux et mortel menu ! Tue-moi ! ».

Le gros caillou tomba sur l’animal et en fit une purée de viande hachée. Je croyais que ce fut la volonté du GPMM  (Grand Patron du Mont Maaden) puisque je n’avais pas jeté la grosse pierre. C’était elle qui tomba toute seule de mes mains. Croyais-je en priant en moi : « O diable ! Pardonne-moi ! ».

Vite, je courus dire à ma mère que j’avais tué un crapaud avec un caillou. Elle en fut très troublée et n’arrêtait pas de prier Dieu que rien ne m’arrivât en conséquence. Mais personne ne saura jamais que j’ai parlé au crapaud, ni surtout que le crime avait été commis avec la pierre des ablutions à sec. Je sentis une étrange volupté. Un triomphe sur la laideur.

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