A l'occasion du XIXème anniversaire de l'intronisation de Mohamed 6, descendant ni de Moulay Abdel Aziz, ni de Moulay Hafid, mais de Moulay Youssef (qui a écrit une belle page en arabe dans le livre d'or du 3ème étage de la Tour Eiffel (Paris) et qui fut le meilleur des 3 derniers sultans marocains, je vous présente un bref extrait de roman.
Il s'agit d'une bataille intestine pour des culottes pleines de blé qui a été déterminante dans l'histoire du Maroc au XXème siècle. Voici un extrait de mon roman intitulé: Culottes fatales et torture du camembert.
"Voici
brièvement ce qui s’est passé et raconté par l’Anglais Walter B. Harris,
journaliste du Times qui a séjourné plus de dix ans dans le royaume, le plus
souvent dans le Palais de l’un des trois sultans.
Au début du
XXème siècle, il y avait à Fès un sultan adolescent d’une vingtaine d’années,
et son frère aîné était vice-sultan à Marrakech. Le Sultan Moulay Abdel Aziz
décida d’envoyer la moitié de son armée livrer bataille au prétendant insurgé
Bou Hmara. Il confia le commandement des troupes à son jeune frère Moulay El
Kabir âgé d’environs quatorze ans.
Le Sultan
sortit de Fès avec le reste de ses hommes, neuf mille, pour aller à Rabat. En même temps, à Marrakech, son
demi-frère se proclama sultan du Maroc et sortit pour aller conquérir Fès et
libérer le royaume de l’influence des chrétiens. Ce Moulay Hafid reprochait au Sultan Abdel Aziz d’être
francophile, voire d’être une marionnette des Français et des
« mécréants », et ce sera lui qui allait le devenir hypocritement.
A la tête de
neuf mille hommes suivis par autant de divers groupes : des négociants,
des prostituées, des mendiants, des aveugles, le Sultan arriva au bord d’un
grand ravin. En face, il y avait des tribus insoumises. Voyant que des hommes
de celles-ci tiraient et tuaient ses soldats, Moulay Abdel Aziz fit appel à son
meilleur régiment : C’étaient les Doukkali, des grandes tribus des
Doukkala au sud de Casablanca.
Voyant ces
derniers traverser le ravin avec courage, les insoumis prirent leurs jambes au
cou et abandonnèrent leurs deux douars. Lorsque les Doukkali trouvèrent plein
de blé et d’orge dans les maisons, ils enlevèrent leurs amples culottes kandrissi turques et en
firent des sacs en fermant les jambes et les ceintures.
Mais le
régiment des Abda voisins arriva. Ses hommes exigeaient en vain un partage du
butin. Des bagarres éclatèrent autour des grosses culottes pleines de céréales.
Ensuite, ce fut un désordre indescriptible. Les Doukkali tiraient sur les Abda
qui répondaient aux coups. Il y eut des centaines de tués.
Cette bataille intestine retarda fatalement de deux jours le Sultan jusqu’à ce que la nouvelle de la
défaite de son petit frère devant Bou Hmara, à Taza, lui parvienne. Il retourna illico
presto à Fès craignant que le Prétendant insurgé ne s’y installât pour réaliser son rêve de devenir le sultan du Maroc.
Cette stupide
bataille pour des culottes pleines de blé a donc empêché le jeune et
intelligent sultan d’aller à Rabat et de rencontrer l’armée française. Celle-ci
venait de débarquer après avoir bombardé la médina de Casablanca suite à la
tuerie d’ouvriers français qui construisaient un chemin de fer.
Ainsi sans
cette histoire de culottes, le vrai sultan aurait pu empêcher son demi-frère et
ennemi Moulay Hafid, venant de Marrakech, de devenir la vraie marionnette
hypocrite des Français. Le francophile intelligent et amoureux du progrès
aurait été soutenu par la France ; et le Protectorat n’aurait pas été ce
qu’il a été aussi bien au début qu'à la fin.
En effet, pour
ne pas se compliquer l’existence, les Français reconnurent le premier sultan
qui se présent et passèrent aux choses sérieuses : Mettre de l’ordre entre
des tribus en guerre continue et mettre fin au banditisme et au pouvoir absolu
des chorfas (se disant descendants du Prophète) profiteurs du chaos.
Sans cette
malheureuse bataille pour des culottes pleines de blé, la présence française au
Maroc aurait donc démarré sur des bases moins hypocrites et plus sincères avec
le jeune et moderne et plus intelligent sultan Moulay Abdel Aziz. C’était
l’entourage de celui-ci qui était corrompu, alors que Moulay Hafid était
lui-même fort corrompu et hypocrite." Chaque fois qu'il s'installait dans un palais il se dépêchait d'abattre tous les arbres car "un assassin pourrait se cacher derrière un arbre" disait-il.
MORALITE: Un petit rien, juste un grain, des culottes pleines de blé, peuvent changer ou au moins influencer l'histoire de tout un pays !