La pauvreté
Par : Abdeslam Seddiki (ministre sortant de l'emploi et des affaires sociales)
La pauvreté existe .On la voit au quotidien même si les chiffres officiels montrent un recul dans son ampleur. Mais elle n’est pas fatale. Tout le monde ou presque le reconnait : elle est le produit d’une certaine politique et de certains choix en matière de développement. Elle n’est pas nécessairement corrélée, comme d’aucuns ont tendance à l’accréditer, au niveau du développement exprimé par le revenu national global et par habitant et, in fine, à la richesse produite. Preuve en est que la pauvreté existe plus aux Etats- Unis qu’en Suède à titre d’exemple.
On peut multiplier des comparaisons à souhait. Qu’en est –il au Maroc ? Les chiffres disponibles tels qu’ils sont publiés par le HCP montrent un net recul de la pauvreté entre la période 2001-2014. Ainsi le taux de pauvreté a été divisé par trois, passant respectivement de 15,3% à 4,8%. En chiffres absolus, le nombre de personnes pauvres est passé de 4 461 000 en 2001 à 1 605 000 en 2014 enregistrant ainsi une baisse annuelle moyenne supérieure à 7% durant la période considérée, avec cependant des disparités entre le milieu de résidence et les différentes régions.
Ce sont dans l’ensemble les plus pauvres qui ont vu leur situation relativement s’améliorer dans la mesure où les politiques publiques en la matière, comme l’INDH, se sont intéressées en premier lieu aux communes rurales et aux quartiers urbains qui enregistrent un taux de pauvreté supérieur à 30%. Remarquons au passage que la pauvreté, communément appelée pauvreté absolue, c’est celle qui est à la limite de la survie. Elle concerne à 80% le monde rural et à majorité les femmes.
En plus de cette pauvreté, il existe une pauvreté relative ou multidimensionnelle qui concerne une bonne partie de la population qui vit dans la vulnérabilité. C’est une population vulnérable dans la mesure où il suffirait d’un simple accident de parcours pour la voir basculer dans la première catégorie comme par exemple une année de sécheresse, une perte d’emploi ou une maladie chronique d’un membre de la famille. Dans l’ensemble, on estime que cette « pauvreté relative » touche pas moins du quart de la population.
Combattre la pauvreté est l’un des défis majeurs que le Maroc est appelé à relever au cours des prochaines années. Cette tâche doit constituer l’épine dorsale du nouveau modèle de développement. Cela passe nécessairement par l’amélioration des conditions de vie dans le monde rural afin de réduire l’écart entre villes et campagnes qui est actuellement de 1 à 2. La création du Fonds pour le développement rural et des zones de montagne est une bonne initiative. Il faut d’autres mesures telle que la revalorisation progressive du SMAG (salaire minimum agricole garanti) dans la perspective de son alignement, à terme, sur le SMIG.
Par ailleurs, la situation du marché du travail est vraiment préoccupante : l’emploi salarié dans l’informel est supérieur à l’emploi salarié dans le formel (2,9 millions contre 2 millions) ; les aides familiaux non rémunérés qui dominent dans l’agriculture concernent 2,3 millions de personnes ; 1,73 millions de jeunes entre 15 et 24 ans ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en éducation…
Tous les ingrédients sont réunis pour la production de la pauvreté et de la vulnérabilité. Situation d’autant plus préoccupante que la population en âge de travailler augmentera chaque année de 430 000 personnes en moyenne d’ici 2030. C’est dire l’urgence de trouver des solutions appropriées à la question de l’emploi et surtout de l’emploi décent qui assure un minimum de dignité humaine pour le travailleur et sa famille.
En somme, des filets de sécurité doivent être mis en place en faveur des personnes vulnérables tout en privilégiant l’approche productive sur l’approche d’assistance. Cette dernière doit cibler en priorité les personnes aux besoins spécifiques.
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