Novembre 1980, feu mon père, Ahmed LEMLIH, avait une épicerie à l'avenue Med Abdel Krim Khattabi, Guéliz Marrakech. Dans ce magasin, il vendait des produits alimentaires et des alcools. C'était juste un an après la nomination du fameux Driss Basri comme ministre de l'intérieur par le Roi Hassan II.
13 ans avant, j'étais lycéen à Marrakech et j'allais passer quelques semaines à Rabat chez mes cousins qui avaient une grande épicerie d'alcools derrière l'hôtel Balima ainsi que le fameux bar "Roi de la bière" dans le quartier de la Tour Hassan. Driss Basri était juste officier de police il habitait dans un appartement de l'avenue Mohamed V, appartenant à la famille Alahyane qui était aussi dans le commerce des alcools à Rabat. Cette famille est originaire de notre bled et proche de celle de ma mère.
Ainsi, lors de mes séjours à Rabat, j'ai livré plusieurs fois des alcools au domicile du Docteur Hadi Messouak (médecin royale et dirigeant du Parti Communiste Marocain), Et au bar Roi de la bière, j'ai servi des tapas (lentilles et sardines) à Driss Basri juste avant qu'il ne fût propulsé adjoint du général Oufkir. Contrairement à beaucoup de cadres du Makhzen notamment au Ministère de l'Intérieur à cette époque là, le aaroubi (arabe rural) Driss Basri, n'était pas amazighophobe !
En 1980, Hassan II utilisait l'islam contre la gauche qui avait le vent en poupe. Et l'islam étant contre les alcools, donc le Makhzen réprimait la consommation et le commerce des alcools. Des juges qui buvaient en cachette sont obligés de condamner à la prison ferme des lambdas arrêtés pour avoir bu une bière ! Les débits sont fermés soit disant pour avoir vendu du vin à des musulmans mais en réalité pour ne pas avoir corrompu les nombreux agents d'autorité ! Et ce commerce devint un carburant de la corruption !
En ce novembre 1980, l'épicerie d'Ahmed LEMLIH était l'un des 4 débits d'alcool ouvert à Marrakech. Elle a pu échapper à la fermeture car mon géniteur évitait de vendre en gros l'alcool et parce que sa licence date d'avant l'indépendance. Le commerce marchait très bien. Mon père utilisait des sacs de farine de 50 kilos pour rassembler la recette. Plusieurs fois il me dit :"Saïd ! Il y a une pluie d'argent dans l'épicerie!".
Revenu à Casablanca où j'étais prof, et militant communiste avec Ali Yata, j'avalais vite l'insolent écart entre la misère que je gagnais et ce que gagnais mon père ! Je touchais 1100 Dirhams mensuels soit moins de deux pour cent environs de ce que rapportait l'épicerie. Mais arrivé à 76 ans, mon père ne perdit pas son âme comme beaucoup de parvenus face à l'argent qui pleuvait. Il alla construire une belle maison dans sa montagne natale et laissa la gestion de l'épicerie à mon jeune frère Abdellah LEMLIH et partit mourir dans la clinique du fameux docteur Abdelkrim Et Khatib et se faire enterrer au cimetière des martyrs de Rabat !
A Casablanca, mon ami et camarade et voisin Simon Lévy m'a beaucoup aidé à me libérer de l'amour de l'argent... Quand je lui parlais de la pluie d'argent dans notre épicerie, il me racontait les histoires des Juifs casablancais devenus très riches. Lui, prof à l'Université de Rabat, il n'a jamais fait d'affaires et il est resté toujours modeste...
Driss Basri, avait accumulé plus de 250 milliards. Ses descendants se chargent de rendre le fric à X et à Y en crevant dans les marécages des drogues, du sexe, des alcools et des folies de grandeur...
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