Parmi mes anciens amis il y a deux ex ministres de gauche, l'un passe son temps à voyager à travers le monde depuis des années, l'autre (Si Abdeslam Seddiki) reste au pays et continue à travailler, à penser et à produire...
La réputation
Par : Docteur Abdeslam Seddiki, ex ministre marocain de l'emploi et des affaires sociales.
Quand on parle de réputation, chacun d’entre nous a une idée en tête et une certaine conception qui n’est pas forcément partagée par d’autres. Un simple exercice dans notre entourage permettra de faire ce constat qui semble évident. Le terme possède une charge subjective considérable. Ainsi, il est difficile d’acquérir une « bonne réputation » dans la mesure où cela exigera à coup sûr énormément d’efforts soit dans le milieu du travail ou dans le milieu de résidence. Une personne considérée, à tort ou à raison, de « mauvaise réputation » a beau faire pour prouver le contraire et modifier la perception que d’autres se font d’elle. La réputation n’est pas innée et définitive. Elle se construit progressivement et une fois bâtie, il faudra l’entretenir et la nourrir.
De ce comportement subjectif et individualiste, est née une science et un corpus de savoir dénommé « l’économie de la réputation » qui s’applique à la fois aux entreprises, notamment celles qui tablent sur l’exportation (vision micro-économique) et à un pays donné dans sa totalité (vision macro-économique). Contrairement à l’approche subjective, l’économie de la réputation, s’est construite sur la base de variables plus ou moins objectives et mesurables.
C’est ainsi que l’IRES (Institut Royal d’Etudes Stratégiques) en partenariat avec « Reputation Institute » vient de publier pour la quatrième année consécutive un rapport sur « la réputation du Maroc dans le Monde », en retenant un échantillon de 23 pays sur un total de 73 pays touchés par l’étude : le G8 (sept grands pays industriels plus Russie) et un groupe de 15 pays considérés par l’IRES comme « spécifiques » (Australie, Belgique, Brésil, Chili, Chine, Espagne, Inde, Corée du sud, Mexique, Pays-Bas, Turquie, Afrique du Sud, Kenya, Niger, Maroc)
Les attributs retenus pour le classement de différents pays dans une grille variant entre 0 et 100 sont au nombre de 17 regroupés en trois facteurs, chacun avec une pondération : qualité de vie (39,1%), niveau de développement (24,8%) et qualité institutionnelle (36,1%).
Sur cette base, la réputation du Maroc dans les grands pays industrialisés se situe dans la moyenne avec une note de 58,1 points, ce qui le place au 35ème rang sur les 73 pays étudiés. Les pays qui ont la meilleure réputation sont : la Suède avec 81,7 points, la Finlande (81,6 points) et la Suisse (81,3 points). Parmi les dix pays les mieux classés, figurent deux Etats d'Océanie (l'Australie et la Nouvelle-Zélande), les autres pays scandinaves (la Norvège et le Danemark), le Canada, le Japon et les Pays-Bas. En revanche, les pays « mal réputés » sont l’Irak, l’Iran, le Pakistan, le Nigéria, la Russie, l'Arabie Saoudite, le Koweït, la Colombie, Nicaragua et l'Ukraine.
Au niveau des « pays spécifiques », notre réputation varie d’un pays à un autre. Ainsi, en 2018, l'Australie et l’Inde sont parmi les pays spécifiques ayant la meilleure perception du Maroc, avec un score de plus de 62 points. Dans ces deux pays, la réputation du Maroc est nettement supérieure à celle dans les pays du G-8. En bas du classement, l’Afrique du Sud (47,9 points), l'Espagne (47,9 points), la Suède (44,5 points) et le Nigéria (43,6 points) ont une perception très faible du Maroc.
Bien sûr, ces données analysées en dynamique, permettent d’orienter notre action au niveau international pour améliorer l’image du pays et partant son attractivité tant au niveau de notre offre exportable « made in morocco » qu’au niveau des IDE et des flux touristiques.
Un autre aspect de la problématique concerne la réputation interne, c’est-à-dire la perception que se font les citoyens Marocains de leur propre pays. En règle générale, la réputation interne est supérieure à la réputation externe (avec une différence de 10 à 14 points en moyenne) et ceci pour des raisons compréhensibles : si on n’aime pas son propre pays qui d’autre va l’aimer ? La note obtenue par le Maroc est de 66,9 contre une note de 58,1 obtenue au niveau international, soit une différence de 8,8 points. La note la plus élevée est obtenue par le Canada (86,1) et la plus basse par le Brésil (35,5). Ce qui signifie que les Canadiens sont très satisfaits de leur pays et les Brésiliens très critiques à l’égard du leur !!
En somme, l’intérêt d’une telle analyse est évident. Chaque pays analysé peut se regarder dans son propre miroir et se faire regarder dans le miroir des autres. Un tel exercice est d’autant plus nécessaire que nous vivons dans un village planétaire et nous sommes en permanence sous les projecteurs du monde suite à la révolution numérique. D’ailleurs, la conclusion du rapport du « think tank » marocain est on ne peut plus claire : « l'étude a insisté sur l'importance pour le Maroc d'engager des réformes de grande envergure en matière d'éducation, d'innovation et de technologies, de capital de marque et de qualité des produits et services. Les efforts à consentir dans ces domaines sont seuls susceptibles de rehausser le positionnement international du Maroc et de conforter sa réputation interne » Qui pourra dire le contraire ?
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