Ci-dessous un article de mon ami, Abdeslam Seddiki, docteur en économie et ex ministre de l'emploi et des affaires sociales... J'ajouterai en bref ce que je viens de vivre dans ce domaine d'échange avec l'étranger:
En 2019 j'ai pu vendre en produits artisanaux pour des dizaines de milliers d'euros... Or, à présent, j'en suis à penser à un suicide économique d'autant plus que je suis parvenu à me libérer d'une certaine adoration du fric et des propriétés... Je pense répondre à un appel de ma montagne...
Les raisons de ce suicide économique seront détaillées dans mon ouvrage Assassinat de l'artisanat... Très bref: Je vendais avec une très petite marge mais je n'en peux plus face aux barrières bureaucratiques: L'Andalousie refuse l'entrée des produits sans transitaire, le camion doit donc faire Tanger-Barcelone en bateau soit 750 euros en plus... Notre douane continue d'être hyper corrompue... Exemple: Une chaîne de magasins français voulait nous commander des centaines de chaises et de fauteuils... Elle a fini par acheter à... Cuba ! Un autre client en Bulgarie... Le transport en export de beaucoup de pays est subventionné y compris en Chine !
Lorsque j'ai rencontré, dernièrement, la Secrétaire d'Etat à l'artisanat je lui suggérais une aide pour ces centaines de camionneurs... Elle regardait ma chemise qui ne vaut que cent Dirham... Autrement dit nous avons une bureaucratie hautement nuisible à nos exportations... L'ancien ministre de l'artisanat A. Keyouh a brillé par une gentillesse stérile puisque offrir à manger ne fait pas avancer les choses...
Dernièrement, un important lot de cosmétiques m'a été envoyé gracieusement par une amie française... Mais n'ayant pas pu avoir toute la paperasse à temps ( 45 jours) le lot a été saisi par la douane... On me demande de graisser des pattes pour que ça sorte... Je leur laisse tout le lot (7000 euros)... Dommage que ni les shampoings, ni les savons ni les gels ne lavent les maladies de la bureaucratie telle la corruption...
Le déficit commercial n’est pas une fatalité.
Par : Abdeslam Seddiki
L’économie marocaine connait un déficit chronique de la balance commerciale que des mesures conjoncturelles de redressement n’arrivent pas à contenir. Une telle situation est devenue intenable et constitue une menace sérieuse pour nos équilibres macro-économiques. A une certaine époque, les responsables se plaisaient de claironner que le déficit commercial n’est pas important en lui-même tant que le pays dispose d’une balance des paiements courants excédentaire. Or, force est de constater que depuis plusieurs années déjà, le compte courant est à son tour en situation déficitaire dans la mesure où les transferts courants (recettes touristiques et transferts des RME) n’arrivent pas à combler le déficit commercial. La situation appelle, par conséquent, à une remise à plat des choix de politique économique et notamment de l’ouverture tous azimuts de l’économie.
Parlons d’abord chiffres en utilisant les données de l’Office des Changes. Ainsi, au cours de la période 2014-2018, bien que le taux de couverture ait connu une amélioration relative passant respectivement de 48,7% à 54,8%, le déficit global en termes absolus s’est accru de 13,6 MM DH pour s’établir à 190 MM DH en 2018 ! Somme largement supérieure aux recettes touristiques nettes et aux transferts des RME réunis, soit respectivement 54 MM DH et 65 MM DH. Pour présenter les choses autrement et d’une façon simple, nous disons qu’à chaque jour qui passe le Maroc importe l’équivalent de marchandises de plus d’un milliard de DH alors qu’il exporte à peine 630 millions de DH. C’est une situation pour le moins asphyxiante et seules des économies pétrolières ou du moins robustes peuvent se permettre un tel « luxe ».
En examinant plus en détail les exportations et les importations pour l’année 2018, on relève beaucoup d’anomalies et de situations rocambolesques. Au niveau des importations, le poste alimentation, pour un pays dit à vocation agricole, absorbe 45,7 MM DH ; l’énergie, dont le Maroc est dépendant à plus de 90%, nous coûte plus de 80 MM ; les produits finis d’équipement industriel, nécessaires pour accompagner l’industrialisation du pays, s’accaparent le quart de la valeur des importations, ce qui nous incite à relativiser les performances du PAI dont les effets induits profitent plus à nos fournisseurs en biens d’équipement ; enfin, les biens finis de consommation absorbent 108 MM DH. On voit que les importations, à l’exception des biens de consommation et notamment ceux relevant des produits de luxe, sont incompressibles et dénotent l’état de dépendance de notre économie.
Au niveau des exportations, les quatre postes dominants sont par ordre d’importance : les produits finis de consommation (83,8 MM DH), les demi-produits composés notamment des engrais et de l’acide phosphorique (60 MM DH), les produits finis d’équipement industriel (53,8 MM DH) et les produits alimentaires (52,8 MM DH). Les efforts consentis au cours des dernières années en matière de promotion et de diversification des exportations n’ont pas atteint le niveau d’inflexion qui permettrait de faire du Maroc un pays émergent et industrialisé tant que les goulots d’étranglement sont présents en force aussi bien au niveau macro-économique (laxisme de la politique commerciale), que méso-économique (efficience limitée des plans sectoriels) et micro-économique (entreprises prisonnières de l’esprit de rente, peu innovantes et peu agressives à l’extérieur).
Ce déficit commercial chronique est loin d’être une fatalité. Il est le résultat des politiques économiques et des choix qui ont montré leurs limites. En effet, le pays s’est orienté vers une libéralisation de son économie d’une façon précipitée et non maitrisée. La signature d’une série d’accords de libre-échange avec plusieurs pays, sans avoir fait au préalable une analyse d’impact et mesuré comme il se doit nos forces et nos faiblesses, s’est avérée une erreur stratégique. Le miracle qu’on attribue au libre-échange ne s’est pas produit. Le Maroc n’a pas tiré profit des opportunités offertes par la mondialisation. Par contre, il a subi de plein fouet les risques qu’elle comporte pour des pays dont le tissu économique est fragile.
Le rapport d’évaluation, qui reste à actualiser, réalisé par l’IRES en 2013 sur le Maroc et les ALE confirme ce revers très pénalisant pour la croissance et l’emploi. On estime, en effet, que près de 37% du déficit commercial enregistré par le Maroc en 2010 est attribuable aux accords de libre-échange. A l’exception de nos échanges avec la Jordanie, le Maroc n’a pas tiré son épingle du jeu des ALE, y compris des accords signés avec les pays dont le niveau de développement est proche du nôtre. C’est là où le bât blesse !
Par conséquent, le nouveau modèle de développement que tout le monde appelle de ses vœux ne saurait faire l’impasse sur cette épineuse problématique de déficit de notre balance commerciale. On doit absolument y remédier à travers une remise à plat des choix et des orientations en vigueur. L’évaluation de notre politique du commerce extérieur et des accords de libre échange qui en sont l’émanation est incontournable. Sans aller jusqu’à plaider pour un protectionnisme débridé et stérile, on ne peut pas non plus continuer sur la voie d’une ouverture par monts et par vaux. Entre ces deux options extrêmes, il y a lieu de suivre une autre orientation qui préserve nos intérêts vitaux et notre tissu productif. Par ailleurs, une rationalisation de nos importations s’impose en utilisant l’arme fiscale pour décourager l’importation des biens de luxe, tout en valorisant le « made in Morocco ». Enfin, il faut développer davantage notre offre compétitive en diversifiant à la fois nos produits et nos clients. L’exportation ne se décrète pas. Elle est le produit d’un processus laborieux et continu dans le temps et d’une transformation des structures productives. L’émergence est à ce prix.
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