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Depuis que Lyautey l'a dit il y a plus de 85 ans, le vrai pouvoir au Maroc est toujours entre les mains de la météo (voir notre écrit "Sainte Météo") puisque tant qu'il y a des fruits, des légumes et assez d'eau, on peut dire "Al hamdo lillahi"...
Adolescent, j'étais élève en première année du lycée Ibn Abbad de Marrakech. J'avais comme professeur de mathématiques Monsieur Lyazidi. Il a porté durant le premier trimestre la même veste et il avait une bien vieille voiture. Lyazidi buvait beaucoup et il fréquentait le Club Royal de Golf de Marrakech... C'est là qu'il a fait connaissance avec celui qui faisait la pluie et le beau temps dans le royaume durant ces années-là, appelées "les années de plomb"...
Au mois de Février, nous n'avions plus de professeur de math: M.Lyazidi était nommé gouverneur de Marrakech. Un poste supérieur à celui des actuels walis quand on sait que l'ancienne province de Marrakech regroupait au moins cinq des provinces actuelles et que les gouverneurs étaient de véritables "khalifas" du Sultan avec relativement et quasiment plein de pouvoirs ...
Cette nomination de l'un de mes meilleurs professeurs a dérangé en moi les discours gauchistes et anti-royalistes dans lesquels je baignais... Le premier secrétaire de l'Ambassade de l'URSS est venu, chez moi à Marrakech pour me remettre une médaille à l'occasion de la naissance de V.I.O. Lénine avec un prix que j'ai remporté dans un concours organisé par le journal "Les Nouvelles de Moscou" à l'occasion du 100ème anniversaire de la naissance de Lénine...
Quinze jours après, toute la ville de Marrakech parlait des faits et gestes de Lyazidi: il inspectait les hôpitaux, les écoles et les diverses administrations. Il s'énervait et sanctionnait... Il était sur le point de rendre la ville ingouvernable... Il a vite montré qu'un enseignant ne pouvait devenir du jour au lendemain un grand agent d'autorité... Bref, il s'est tellement trompé que feu Hassan II le releva de ses fonctions au bout de 4 mois d'exercice... M.Lyazidi finit ses jours avec ses bouteilles chéries...
Ensuite, je suis devenu moi même enseignant. J'ai commencé ma carrière à l'école israélite... J'ai roulé ma bosse, durant des dizaines d'années, dans tous les niveaux et dans tous les cycles de l'enseignement... J'ai fait l'Université de Caen et l'ENS de Saint Cloud ( France)... J'ai milité aux côtés d'Ali Yata, de Aziz Belal et de Simon Lévy durant des années. C'est celui-ci qui m'a défendu, à la veille de la Marche Verte lorsque, professeur au lycée Al Kindy de Nador, j'ai été arrêté à Zouj Bghal (Oujda) en revenant d'Oran où j'ai assisté à une des dernières réunions entre les Marocains (c'est feu Fkih Basri qui m'a invité) et les copains du renégat El Ouali en train de créer le Polisario... Quant au communisme, c'est mon séjour d'un mois à Odessa, invité par un membre supplément au CC du PCUS qui m'en a libéré avant l'arrivée de Gorbatchev... Il était procureur de l'Etat socialiste et il vivait comme un sultan othoman...
A présent, je ne cesse pas de dénoncer le comportement d'une trop grande partie des enseignants qui ne font plus leur travail et qui deviennent complices de l'école privée dans la liquidation de l'école publique... Ce sont ces enseignants qui portent un savoir panarabiste approximatif qui vont transformer leurs syndicats en mafias et porter atteinte à notre démocratie naissante... Bien qu'ils représentent le corps des fonctionnaires du Makhzen le plus nombreux et le plus budgétivore, ils font de plus en plus tout sauf leur métier. Ils sont majoritaires parmi les élus locaux. Ils contribuent à dévoyer ces derniers de leur mission...
Bref, parmi les armées pléthoriques des fonctionnaires makhzeniens, seuls les militaires et les policiers font plus ou moins leur travail... C'est qu'ils ont la chance de ne pas avoir le droit de se syndiquer et surtout d'être relativement beaucoup plus assidus... C'est aussi pourquoi, aujourd'hui, seule la sécurité dans le royaume est au niveau des pays développés
Ainsi, les plus grands gouverneurs et walis du royaume sont quantitativement et qualitativement d'anciens policiers. Parmi ces derniers figure l'actuel gouverneur d'Inezgane Ait Meloul. Une province réduite à la bouche surpeuplée d'un oued sec (oued Souss)... Malgré cela, M.Chanouri est plein d'espoir et d'un optimisme contagieux... Alors que les élus locaux brillent par leur absence et par leur manque flagrant d'imagination, et qu'ils défrayent la chronique par leurs scandales répétitifs, le gouverneur va jusqu'à superviser personnellement l'aménagement des ronds points, des jardins publics et même des arrêts de bus... tout en faisant son propre travail administratif. Il a libéré les rares espaces verts de grilles métalliques aussi inutiles que laides juste un prétexte à dilapider les deniers publics. Il montre ainsi qu'il ne considère pas les citoyens comme un "bétail" à canaliser par des grilles. L'expression "bétail" nous a été répétée, paradoxalement, par un élu local... pire par un élu de l'opposition... Je ne manquerai pas de signaler un fait fort éloquent de ces élus rapporté par le quotidien arabophone Al Akhbar d'aujourd'hui: Le ministère de l'intérieur vient de refuser une "allocation" de 600 000 DH décidée par le conseil municipal d'Inezgane au profit d'une association. Cette association a tout l'air d'une société anonyme, une S.A, formée par deux élus...
C'est ce gouverneur qui devrait être, par exemple, ministre de l'artisanat et non une médecin qui ignore visiblement tout de nos arts traditionnels et de notre artisanat, de notre premier employeur... Mais avec le système des partis, les policiers et les agents d'autorité n'ont aucune chance de devenir ministres sans avoir la bénédiction d'un polit buro. Ce système partisan est la rançon à payer à la démocratie. Il a donc ses tares et ses gros inconvénients car il propulse au sommet de l'Etat des individus qui "savent parler aux masses", "savent regrouper les masses" ou/et tout simplement "qui savent tromper les masses". Des masses généralement droguées.
( Un cousin militant d'Annahj Addimokrati vient de me téléphoner pour s'énerver que je dise du bien de ce gouverneur et du mal de ma famille d'enseignement, il m'a traité de lèche botte ).
Si je dis du bien de ce responsable provincial c'est uniquement par sincérité et sans calcul ni arrière pensée. Lorsqu'on est plus proche de la fin de sa vie que de son début, on a envie de parler franchement... Jamais je ne serai un lèche botte... De même je rappelle à ce cousin que mon ami et ex collègue, le salafiste tangérois cheikh Fizazi a fait plus de progrès que certains gauchistes prisonniers de leurs dogmes...
Il n'y a pas longtemps que j'ai rompu avec un ami d'il y a plus de 30 ans devenu ministre dans la première monture du gouvernement Benkirane... J'ai dénoncé ce ministre qui non seulement n'a rien fait en près de deux ans d'exercice mais il s'est permis de venir ivre au Parlement... J'ai dénoncé nommément, le tristement célèbre ancien wali d'Agadir (le fils à Filali), un ex ministre qui s'est livré à un véritable pillage de la ville d'Agadir. Il se serait mis dans la poche un nombre indéterminé de milliards...
Autrement dit, c'est en toute sincérité et sans arrière pensée que je dis bravo et bon courage à l'actuel gouverneur d'Inezgane Ait Meloul...